
France's President Emmanuel Macron (C) welcomes Chad president Mahamat Idriss Deby Itno (L) prior to a working lunch at the Elysee palace in Paris, on February 6, 2023. (Photo by Ludovic MARIN / AFP)
Les chefs d'État de la CEDEAO (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) avaient chargé leurs différents chefs d'état-major de proposer un plan d'intervention au Niger. Ce, après leur réunion extraordinaire du jeudi 10 août à Abuja, au Nigeria. C'est dans ce contexte que la date de ce samedi 12 août a été retenue pour le conclave des chefs des armées, à Accra, la capitale du Ghana.
Seulement, cette réunion cruciale a été reportée à une date non encore déterminée, selon l'hebdomadaire français L'Express. Les chefs d'état-major devaient déterminer dans quelles circonstances la force en attente de la CEDEAO allait procéder pour lancer un assaut militaire au Niger et rétablir le Président Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Des questions techniques ont fait échouer cette réunion.
Après cette réunion dirigée par Bola Tinubu, le nouveau Président du Nigeria qui assure la direction de la CEDEAO, des milliers de Nigériens sont descendus dans les rues de Niamey. Ils ont fait mouvement vers la base militaire française pour exprimer leur colère. Outre des slogans hostiles à la CEDEAO et à la France, les manifestants brandissaient des drapeaux russes.
Si les putschs au Mali, en Guinée et au Burkina Faso n'ont pas déclenché de fortes réactions de l'institution, tel ne semble pas être le cas de celui du Niger. Pour ce cas précis, la CEDEAO ne compte pas rester les bras croisés. Elle a même décidé de prendre les armes pour régler la crise qui sévit dans le pays.
Une situation qui rappelle la Libye, alors dirigée par Mouammar Kadhafi. Une intervention militaire de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), avait abouti à la mort du Président libyen d'alors, le 20 octobre 2011. Et depuis cette date, ce pays d'Afrique du Nord vit dans une instabilité chronique. La Libye est en effet engluée dans une crise sans précédent, sans compter qu'elle est devenue le sanctuaire des organisations terroristes.
Le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) au Niger vient de porter de graves accusations à l'encontre de la France. « Des événements d'une extrême gravité sont en cours au Niger du fait du comportement des Forces françaises et de leurs complices », indique un communiqué lu à la télévision nationale nigérienne, ce mercredi.
Le CNSP poursuit qu'aux environs de 6 heures 30 du matin, une position de la garde nationale du Niger a fait l'objet d'une attaque. Les militaires au pouvoir indiquent par ailleurs ne pas disposer d'un bilan. Seulement, elles accusent les Forces françaises d'avoir, « de manière unilatérale, libéré des éléments terroristes prisonniers ». Lesquels « ont été regroupés dans une vallée ».
Aujourd'hui, autant la France était pilote dans cette intervention en Libye, sous la houlette de son Président d'alors, Nicolas Sarkozy, autant Paris apporte son « plein soutien à l'ensemble des conclusions du Sommet de la CEDEAO ». Et la principale conclusion est que les pays membres de l'institution ont décidé de lancer l'assaut au Niger. C'est même évident que la France a fait des pieds et des mains pour que cette intervention militaire ait lieu au Niger. D'ailleurs, Paris ne s'est pas caché de sanctionner tout soutien aux putschistes.
Et la junte d'enfoncer : « une réunion de planification s'est tenue dans l'objectif d'attaquer des positions militaires dans la zone des trois frontières ». Selon le colonel Amadou Abdramane, qui a lu le communiqué, la France a fait décoller un avion militaire de N'Djamena, au Tchad. Ajoutant que l'appareil a « volontairement coupé tout contact avec le contrôle aérien à l'entrée de notre espace ». Ce, « toujours dans leur volonté manifeste de déstabilisation », accuse la junte.
Des accusations qui interviennent après celles de fin juillet. En effet, quelques jours après le coup d'Etat, la junte putschiste avait accusé la France de préparer une opération militaire pour libérer le Président Mohamed Bazoum. Laquelle opération, toujours selon les militaires putschistes, devait se faire en partenariat avec la CEDEAO. On sait toutefois que l'institution sous-régionale avait fixé un ultimatum à la junte. Celui-ci ayant expiré dimanche sans action aucune.
La France est-elle coupable de ces allégations ? Rien n'est moins sûr. L'on sait toutefois que Paris semble avoir des intérêts réels au Niger. Militairement, près de 2000 éléments français sont stationnés dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. De plus, la France y exploiterait de l'uranium. Toutes choses qui pourraient justifier toutes ces agitations de Paris après le coup de force. Reste à savoir jusqu'où la France est prête à aller pour défendre ses intérêts.
Aujourd'hui encore, l'histoire semble bégayer. Le Niger, situé dans la région des trois frontières où sont actifs les terroristes, est sur le point d'être attaqué. Si attaque il y a lieu, difficile de ne pas faire le parallèle avec la Libye où la France a dirigé l'intervention militaire, laissant le chaos derrière elle. Aujourd'hui, c'est au tour du Niger, où la France semble tirer les ficelles pour sauvegarder ses intérêts. Quitte à faire imploser toute la région ouest-africaine ? S'il y a une intervention militaire au Niger, l'histoire retiendra !
Par Ruth Franz Malu