Pendant la guerre froide, «la théorie des dominos» était une doctrine américaine selon laquelle le basculement idéologique d’un pays en faveur du communisme allait être suivi de celui de ses voisins.
En Afrique, on assiste ces dernières années à la résurgence de cette mécanique, bien qu’elle ait été décriée par le passé. Ainsi, en trois ans, quatre présidents ouest-africains démocratiquement élus ont été destitués. Après le Mali (août 2020 et mai 2021), la Guinée (septembre 2021), le Burkina Faso (janvier 2022), c’était au tour du Niger de vivre un coup d’État le 26 juillet dernier.
L’avènement d’une nouvelle junte militaire dans la région est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Craignant la contagion, les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont fermement condamné la prise de pouvoir par les militaires. Et l’organisation africaine de s’engager dans un bras de fer avec les putschistes, dont le résultat pourrait constituer un point de bascule.
”Alliances et promesses de ripostes”
Depuis que le président nigérien Mohamed Bazoum a été renversé par le général Abdourahamane Tiani, le bloc ouest-africain, emmené par le président du Nigeria, Bola Tinubu, fait en effet son maximum pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Après avoir mis en place un blocus drastique de ce pays très pauvre et enclavé, les États membres ont soumis un ultimatum à la junte, la menaçant d’une intervention armée si elle ne relâchait pas le pouvoir. Cet ultimatum est arrivé à son terme dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 août, et l’espace aérien nigérien a été fermé face au risque d’une manÅ“uvre militaire.
«Nous sommes prêts. Dès que nous recevrons l’ordre d’intervenir, nous le ferons», avait menacé le général Christopher Musa, chef des armées du Nigeria, le 31 juillet sur RFI. Tout comme le Sénégal qui a dénoncé jeudi 3 août, un «coup [d’État] de trop»: Dakar affirme être prêt à déployer des troupes si la Cédéao décidait d’une intervention.
Or, la crainte d’un embrasement régional rend l’hypothèse d’une telle intervention très incertaine. Car les militaires nigériens du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNPS) ont promis une «riposte immédiate» à  «toute agression». Tout comme le Burkina Faso du capitaine Ibrahim Traoré et le Mali du colonel Assimi Goïta, suspendus des instances de la Cédéao et qui se sont ralliés à leurs voisins nigériens. Ouagadougou et Bamako ont ainsi averti qu’une intervention militaire au Niger serait perçue comme «une déclaration de guerre» contre leurs propres États. Idem pour la Guinée du président Mamadi Doumbouya, lui aussi arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch.
La Russie attendue dans la brèche
Deux camps se font désormais face: les juntes militaires d’un côté, lesquelles flottent dans l’orbite de la Russie, et les démocraties de l’autre, soutenues par les Occidentaux. «Une intervention de la Cédéao serait extrêmement lourde de conséquences, d’autant plus que désormais, le Mali et le Burkina Faso se sont ralliés au Niger», analyse le colonel Peer De Jong, ancien colonel des troupes de marine et fondateur du Management Institute for International Security (Themiis), qui fait de la formation militaire en Afrique.
«Quant aux sanctions, on sait d’expérience qu’elles ne fonctionnent pas. Les Russes vont vraisemblablement entrer dans la brèche avec des mesures compensatoires. La notoriété de Moscou et du Groupe Wagner est intacte dans les opinions publiques africaines et sahéliennes. Si elle intervient, la Cédéao apparaîtrait comme pro-occidentale.»
Par Pierre Coudurier —
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