Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Zarif, à Moscou avant de rencontrer les Européens pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien, a demandé lundi des “assurances” aux signataires de ce texte abandonné avec fracas par les Etats-Unis.
Deuxième étape de sa tournée diplomatique, M. Zarif s’est entretenu lundi matin avec son homologue russe Sergueï Lavrov après des consultations à Pékin pendant le weekend et avant son arrivée à Bruxelles mardi où il rencontrera ses homologues français, allemand et britannique.
Au terme de ces entretiens à travers le monde, il aura alors fait le tour des cinq puissances qui, outre les Etats-Unis, avaient signé avec l’Iran cet accord historique en 2015, qui prévoyait une levée des sanctions visant l’Iran en contrepartie de l’engagement de la République islamique de ne pas se doter de l’arme nucléaire.Â
“L’objectif final de tous ces pourparlers, c’est d’obtenir des assurances que les intérêts du peuple iranien, garantis par (l’accord) seront défendus”, a déclaré M. Zarif au début de l’entretien avec M. Lavrov.
Au terme de la tournée diplomatique, “nous allons voir comment nous pouvons organiser un groupe de travail commun afin que ce groupe soit soutenu par la communauté internationale”, a-t-il expliqué après les pourparlers, cité par l’agence iranienne ISNA.
“Nous n’avons aucun problème avec la Russie mais nous devons trouver des solutions pour que tout un groupe de pays et en particuliers les membres restants de l’accord aient des relations avec l’Iran dénuées d’obstacle”, a encore déclaré M. Zarif.
Le chef de la diplomatie russe a de son côté estimé au début de la rencontre que Russes et Européens devaient “défendre de concert leurs intérêts” sur ce dossier.
La sortie des Etats-Unis entraîne un rapprochement entre Moscou et les Européens, rare vu les tensions de ces dernières années, alimentées par les dossiers syrien et ukrainien et récemment renforcées par l’empoisonnement de l’ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre.
La Russie s’est imposée ces dernières années comme un acteur majeur au Proche-Orient, un rôle renforcé par son intervention militaire en Syrie lancée en 2015 en soutien à Bachar al-Assad. Elle entretient de bons rapports avec des pays aux intérêts divergents et parfois rivaux, de l’Iran à la Turquie en passant par Israël.
Acteur essentiel, le président russe Vladimir Poutine, sans s’exprimer publiquement sur le sujet, s’est entretenu la semaine dernière avec le président turc Recep Tayyip Erdogan puis la chancelière allemande Angela Merkel, qu’il doit recevoir vendredi à Sotchi, dans le sud de la Russie.
Une semaine plus tard, le président français Emmanuel Macron doit se rendre à Saint-Pétersbourg.
– “Cadre clair” –
M. Poutine a également rencontré lundi Yukiya Amano, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Sotchi, soulignant selon son conseiller Mikhaïl Oulianov que la Russie “est prête à continuer de respecter l’accord nucléaire iranien malgré le retrait des Etats-Unis“.
L’accord a été conclu en juillet 2015 après des années d’âpres négociations entre l’Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). Aux termes de l’accord, Téhéran a accepté de geler son programme nucléaire jusqu’en 2025.
Les Iraniens espèrent désormais “être capables d’établir un cadre futur clair pour l’accord”, avait déclaré M. Zarif à Pékin, avertissant que l’Iran était “prêt pour toutes les options” si ses intérêts n’étaient pas assurés.
Vendredi, il avait d’ailleurs affirmé que Téhéran se préparait à reprendre “l’enrichissement industriel” d’uranium “sans aucune restriction” à moins que l’Europe ne fournisse de solides garanties de maintien des relations commerciales avec l’Iran.
Lors d’une rencontre jeudi à Téhéran, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov et son homologue iranien Abbas Araghchi avaient déjà souligné leur “attachement à la sauvegarde de l’accord”.
Longtemps antagonistes, la Russie et l’Iran ont vu leurs relations s’améliorer avec la fin de la Guerre froide. Alors que Téhéran était au ban des nations, Moscou a accepté de reprendre au milieu de la décennie 1990 le contrat de construction de la centrale nucléaire de Bouchehr (sud de l’Iran), abandonné par l’Allemagne.
Des experts estiment que la Russie pourrait bénéficier économiquement du retrait américain, étant moins exposée que l’Europe aux conséquences du rétablissement de sanctions contre la République islamique.
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