
Pas un seul pays n’est épargné par le mariage des mineurs mais la situation marocaine est particuliément grave.
Alors que la situation s’est améliorée en Afrique du Nord et au Moyen-Orient depuis les années 1980, elle s’est aggravée dans le royaume. Le Maroc est très en retard par rapport à ses voisins. En Tunisie le mariage est interdit en-dessous de 17 ans mais le nombre de mariages de mineurs enregistrés est moins important. L’Algérie interdit ceux en-dessous de 19 ans. La loi marocaine interdit le mariage entre personnes de moins de 18 ans, mais en même temps autorise des dérogations accordées par les juges.
Au Maroc, 16 % des femmes âgées entre 20-24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans, et 3 % avant 15 ans, des chiffres au-dessus de la moyenne mondiale qui est de 10 %. Le ministère de la Justice a enregistré plus de 35 000 mariages de mineurs en 2013, soit 11 % de la totalité des mariages contractés au Maroc. Toujours d’après la même source, le problème concerne aussi bien les zones rurales qu’urbaines.
L’union des mineurs est lourde de conséquences. Concrètement, les filles ont moins de chances d’aller à l’école, ont plus de problèmes gynécologiques, ont des enfants très tôt et risquent donc davantage de mourir en couche, et mettent la vie de leurs bébés en danger, comme l’expliquent les associations. Mais le fléau n’est pas qu’un problème de droit de l’Homme: c’est également un problème de développement, puisqu’il est à l’origine d’un cercle vicieux de pauvreté.
Intenable situation que celle de Meriem, une adolescente de Rabat, capitale du Maroc. Âgée à peine de 18 ans, elle éprouve toutes les peines du monde à prendre soin de son enfant dont le père, 22 ans, a disparu il y a deux ans dès le troisième mois de la grossesse.
La faute à ses parents qui ont marié Meriem en 2016 à ce jeune. Du coup, tout un rêve brisé. Tout un avenir remis en cause, alors que Meriem suivait ses études avec abnégation pour devenir « cadre » dans son pays. “Je m‘étais laissée emporter par l’idée selon laquelle le mariage est un événement solennel auquel assistent des êtres chers. J’ai aussi pensé aux beaux bijoux dont je devrais me parer. Tout cela m’a rendue enthousiaste”, se souvient Meriem, visiblement triste.
Et Meriem est loin d‘être l’unique Marocaine dans cette situation on ne peut plus attristante. D’après des enquêtes d’ONG, 16% des adolescentes marocaines convolent en justes noces avant l‘âge légal de 18 ans contre plus de 3% en Algérie et en Tunisie où l‘âge du mariage est le même.
Si la tendance ne s’inverse pas, le nombre de filles-épouses dans le monde devrait passer de 280 millions aujourd’hui à 320 millions d’ici 2050.
D’après Samira Bik, qui regrette « une absence de volonté de changer la situation » de la part du gouvernement, il est essentiel de mettre des moyens : « On dépense bien dans des campagnes de sensibilisation au Code de la route ou aux élections mais quand cela concerne les droits, il n’y a rien ».
Plusieurs moyens sont donc bons pour empêcher les mariages, mais il est aussi important d’aider les jeunes filles déjà concernées, en favorisant leur autonomie en les formant à un travail par exemple. Plusieurs associations travaillent sur le sujet.
En Éthiopie par exemple, une organisation a mis en place des lieux où se rencontrent ces filles chaque semaine pour échanger et sortir de leur isolement. Et d’après des ONG, c’est le fait pour les parents de s’accrocher à ces paramètres que l’Etat marocain peine à lutter efficacement contre les mariages précoces des filles.
Par Jennifer Birich