Aux premières heures du 1er novembre 1954, l’Algérie, alors département français, bascule dans une ère nouvelle.
Un appel au soulèvement parcourt le pays, marqué par une série d’attaques simultanées orchestrées par le Front de Libération Nationale (FLN). L’insurrection, d’abord discrète, est le point de départ d’une guerre qui durera près de huit ans et changera à jamais le destin de l’Algérie et de la France.
Le 1er novembre, jour de la Toussaint en France, est choisi symboliquement par le FLN pour marquer le début de la « guerre de libération nationale ».
La population algérienne, en majorité musulmane, vit sous le joug d’un système colonial inégalitaire qui persiste malgré les vagues de décolonisation post-Seconde Guerre mondiale. Le FLN, fondé quelques mois plus tôt, appelle les Algériens à se soulever contre la puissance coloniale française pour arracher leur indépendance.
Les responsables du FLN partagent l’idée que seule une insurrection armée pourrait faire entendre la voix des Algériens. Des tracts distribués cette nuit-là expliquent les raisons de ce soulèvement : l’aspiration à un État souverain, libre et moderne, où les Algériens pourraient enfin jouir des mêmes droits que les citoyens français. Ce manifeste met en avant l’idée de la lutte armée comme seul moyen de conquérir la liberté.
Les premières heures du 1er novembre 1954 sont marquées par une série d’attaques minutieusement coordonnées. Les militants du FLN ciblent des postes de police, des casernes, des ponts et des infrastructures symboliques du pouvoir colonial dans plusieurs régions, notamment dans les Aurès, région montagneuse où les tensions sont déjà vives. Les attaques, même limitées en puissance de feu, frappent la France par leur organisation et leur simultanéité, démontrant que le FLN est déterminé et bien structuré.
En parallèle, le FLN appelle à la mobilisation de tous les Algériens, musulmans et chrétiens, en unissant les différentes factions nationalistes dispersées jusque-là . Ce manifeste ne se contente pas de revendiquer l’indépendance : il présente aussi une vision d’unité et de justice sociale, visant à rallier les Algériens des villes, des campagnes et de la diaspora.
À l’occasion du 70e anniversaire de la Révolution, Salah Goudjil, président du Conseil de la nation, a accordé deux interviews aux quotidiens El Watan et L’Expression pour rappeler les étapes marquantes de cette « glorieuse Révolution ».
Il a souligné l’importance de l’unité nationale pour préserver l’indépendance, rappelant l’appel à « placer l’intérêt du pays au-dessus de toute autre considération« . Goudjil a également salué l’initiative du président Abdelmadjid Tebboune visant à « commémorer la Mémoire nationale et à renouer avec l’esprit de Novembre« , soulignant son importance dans la conscience collective algérienne.
Pour sa part, le président Abdelmadjid Tebboune réaffirme régulièrement que l’Algérie ne renoncera jamais au dossier de la mémoire. Lors d’un entretien diffusé à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse,
Tebboune avait rappelé l’engagement de son gouvernement à préserver cette mémoire, notamment par la création d’une commission mixte d’historiens avec la France pour explorer les événements clés de la période coloniale. « Nous avançons pas à pas« , avait-il indiqué, en référence à cette collaboration historique, soulignant les « reconnaissances partielles » de la France concernant les massacres et les essais nucléaires sur le sol algérien.
Tebboune a également évoqué l’impact de cette mémoire pour les Algériens : « Le peuple algérien n’a jamais accepté la colonisation. Il l’a toujours combattue. Nos chiffres font état de 5,63 millions de martyrs, de l’invasion jusqu’à l’indépendance ». Insistant sur la nécessité de transmettre cette histoire aux jeunes générations à travers les livres scolaires des deux pays, en rappelant que « celui qui ne connaît pas son histoire et qui ne glorifie pas ses martyrs n’ira pas loin ».
Le Président algérien a également été catégorique quant au respect de la mémoire historique comme une condition fondamentale dans les relations franco-algériennes. Il a souligné que les archives françaises « sont notre mémoire » et qu’il est crucial que les épisodes de résistance et de répression coloniale soient documentés et préservés.
Il estime que ce travail mémoriel est vital pour le respect mutuel entre les deux nations et pour éviter toute tentative de falsification de l’histoire. Une position qui se complique avec le revirement diplomatique d’Emmanuel Macron de ces derniers jours sur le Sahara occidental.Â
Mais le 1er novembre 1954, la France, alors sous la présidence de Pierre Mendès France, est frappée par l’ampleur du défi. Les autorités, qui peinent à comprendre l’ampleur de la révolte, qualifient initialement ces événements de « troubles isolés » ou d’« actes de terrorisme ». Mais l’ampleur du soulèvement fait rapidement comprendre à Paris que l’Algérie est entrée dans un conflit ouvert. Le gouvernement envoie dès lors des renforts militaires et adopte une politique de répression sévère.
Pour la France, l’Algérie n’est pas une colonie ordinaire mais un ensemble de départements français, et le pouvoir politique à Paris sous-estime l’intensité du sentiment indépendantiste. Les populations françaises, y compris celles d’Algérie, oscillent entre incompréhension et crainte face à cette insurrection naissante.
Le soulèvement du 1er novembre 1954 marque le début de la guerre d’Algérie. Mais pour les Algériens, cette date reste le symbole de la lutte pour la liberté et la justice, un acte fondateur de la nation. L’appel du FLN devient l’étincelle d’un mouvement inarrêtable, porté par la conviction que l’indépendance, après des décennies de souffrances et de sacrifices, est non seulement possible mais inévitable.
Cette date marque le début d’une révolution qui, huit ans plus tard, aboutira à la reconnaissance par la France de l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962.
Par Guylain Gustave Moke