La communauté internationale “nous a tous laissé tomber” durant le génocide des Tutsi, a déclaré dimanche le président rwandais Paul Kagame, à l’occasion du 30e anniversaire des massacres dont l’ombre plane toujours sur ce pays de l’Afrique des Grands Lacs.
Paul Kagame — qui dirige d’une main de fer le pays depuis la fin du génocide — s’est recueilli dans la matinée, aux côtés de dignitaires étrangers, devant une gerbe de fleurs et a allumé une flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi.
À la fin de la journée, des milliers de personnes étaient rassemblées à la BK Arena, complexe de 10.000 places à Kigali, des bougies à la main à la mémoire des victimes du massacre. Pendant sept jours, la musique ne sera pas autorisée dans les lieux publics, ni à la radio. Evénements sportifs et films seront interdits de diffusion à la télévision, sauf s’ils sont liés aux commémorations.
30 ans après le génocide des Tutsi, le Rwanda se souvient. Un génocide qui a marqué l’histoire du pays et du monde, et que des chercheurs continuent d’étudier pour comprendre et empêcher de telles atrocités de se reproduire.Â
Kigali commémore le 30ème anniversaire du génocide des Tutsis, un événement tragique qui a marqué le Rwanda à jamais. Le 6 avril, une cérémonie officielle a été organisée au mémorial national de Gisozi, où une flamme symbolique a été allumée pour marquer le début d’une période de deuil et de recueillement de 100 jours. Plusieurs délégations internationales, dont l’ancien Président américain Bill Clinton, sont attendues pour assister aux cérémonies.
Le génocide des Tutsis, qui a eu lieu en 1994, a coûté la vie à environ 800 000 personnes. Aujourd’hui, 30 ans après, la génération née après le génocide s’engage à poursuivre le travail de mémoire et de transmission. Des jeunes participent aux préparatifs des commémorations, triant les vêtements des victimes et creusant la terre pour installer des plantes devant les mémoriaux. Pour les rescapés, la transmission de leur histoire aux générations futures est un défi important.
Les tueries du printemps 1994 ont été déclenchées au lendemain de l’attentat contre l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana, dans une frénésie de haine alimentée par une virulente propagande anti-Tutsi.
Le carnage prend fin lorsque la rébellion tutsi du FPR s’empare de Kigali le 4 juillet, déclenchant un exode de centaines de milliers de Hutu vers le Zaïre voisin (aujourd’hui République démocratique du Congo).
Le silence, longtemps observé pour protéger les jeunes de la douleur, est désormais brisé par leur soif de vérité. Le devoir des aînés est de répondre aux questions de la jeunesse et de leur donner la force de continuer à vivre. Le 30ème anniversaire du génocide des Tutsis est un moment de réflexion et de commémoration, une occasion de regarder vers l’avenir certes, mais aussi comprendre ce qui s’est réellement passé.
Sources écrites et orales, témoignages, archives, documents officiels… Les historiens analysent tous les éléments à leur disposition pour décortiquer les causes du génocide, son déroulement, ses conséquences et ses implications pour la justice internationale. Un travail exigeant, souvent émotionnellement éprouvant, mais important pour faire face à ce passé douloureux.
Raphaël Nkaka, historien rwandais Tutsi, rescapé du génocide, insiste sur l’importance de l’objectivité scientifique et de la distance émotionnelle dans son travail. De son côté, Hélène Dumas, historienne française, a été marquée par le génocide lors d’un voyage au Rwanda, en 2004. Elle s’intéresse particulièrement au sort des enfants et à ceux qui ont sauvé des Tutsi, les « Justes ».
De nouveaux champs d’exploration se dressent. Il se pose beaucoup de questions, notamment comment les identités hutue, tutsie et twa ont-elles été manipulées pendant la période coloniale ? Les archives coloniales pourraient aider à mettre la lumière sur de nombreux faits. De nombreux documents inexplorés pourraient permettre d’apporter de nouvelles informations et éviter qy’un tel drame ne se reproduise.
Le Rwanda mène un travail de réconciliation, avec notamment la création en 2002 de tribunaux communautaires, les “gacaca” où les victimes pouvaient entendre les “aveux” des bourreaux.
La justice a joué un rôle majeur mais selon Kigali, des centaines de personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide sont toujours en liberté, notamment dans les pays voisins, comme la République démocratique du Congo (RDC) et l’Ouganda.
Des organisations de défense des droits humains, dont Amnesty et Human Rights Watch, ont appelé à l’accélération des poursuites contre les responsables du génocide.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk, a de son côté exhorté “les Etats du monde entier à redoubler d’efforts pour traduire en justice tous les auteurs présumés encore en vie”.
Guylain Gustave Moke
Analyste Politique