Alors que les start-up fleurissent dans le petit Rwanda voisin, l’entrepreneuriat numérique reste un défi à la taille de l’immense République démocratique du Congo (RDC) qui attire un nombre croissant de vocations avec l’argent de la diaspora.
Des douzaines d’entrepreneurs se retrouvent pour unir leurs forces dans un lieu de rencontre et de travail à Kinshasa, la capitale d’un pays où seule une minorité des 70 à 90 millions d’habitants dispose d’un accès à internet.
Immobilier, musique, services sociaux… les projets foisonnent, portés par des Congolais qui ont leurs réseaux et leurs entrées à “Kin” comme en Europe.
WapiMED est le nom d’une carte interactive qui permet de prendre rendez-vous avec un médecin et de payer en ligne. Par exemple, un Congolais qui vit à l’étranger peut payer en ligne les rendez-vous médicaux de ses proches (les dépenses de santé représentent une lourde charge dans un pays où le filet de protection sociale est très mince).
Wapi – qui signifie “où ça ?” en lingala – est l’oeuvre de Congolais qui vivent à mi-temps en Europe et investissent en RDC: “Je ne pense pas qu’on part en se disant qu’il y a trop de risques quand on est entrepreneur, mais on part vraiment avec l’idée qu’on va changer quelque chose, ou qu’on va apporter une solution”, avance le manageur Daddy Kabeyal, qui a étudié en Europe avant de revenir en RDC.
L’équipe reconnaît que l’application n’est pas utilisée par beaucoup de Congolais, mais garde espoir.
Les projets, souvent auto-financés, bénéficient des transferts de fonds de la diaspora, une des grandes sources de revenus en Afrique (60 milliards de dollars en 2016 pour tout le continent d’après la Banque mondiale dont plusieurs milliards pour la RDC).
L’accès au haut-débit, type la 4G rwandaise, n’est pas le seul obstacle pour le développement de l’économie numérique en RDC.
A tort ou à raison, les investisseurs étrangers associent l’image du pays à des risques élevés, à des incertitudes politique, juridique et économique, quand les autorités se félicitent d’avoir enrayé depuis quelques mois la chute du franc congolais.
A Kinshasa même, les banques sont très prudentes et exigeantes avant de prêter de l’argent à des taux souvent élevés.
– “Un vrai potentiel” –
“Etre entrepreneur à Kinshasa, c’est un peu comme si on vous jetait sur un ring de boxe et que vous deviez vous battre face à un adversaire plus chevronné que vous”, résume Baya Ciamala, connu sous le nom de Narsix et fondateur d’une application de musique 100% afro-congolaise en streaming, Baziks.
“La musique en RDC, c’est comme le football au Brésil”, poursuit Narsix, dont l’application entend mettre en relation des musiciens africains avec leurs fans à travers un système de “followers”.
“On aurait pu commencer en France, mais je pense que c’est important de commencer dans le pays d’origine”, poursuit-il, conscient des difficultés de l’entreprise: “On a besoin d’avoir des fonds de roulement. On a besoin d’investir dans la recherche et développement sur nos projets. C’est vraiment un secteur nouveau et ça demande d’avoir des fonds de trésorerie pour pouvoir avancer. Et ça, à Kinshasa c’est vraiment pas facile”.
Signe que les temps changent, la Fédération des entrepreneurs du Congo (FEC, le patronat congolais), vient d’ouvrir une branche à destination des jeunes entrepreneurs.
“On va aller voir les banques en leur disant: voilà ceux que vous pouvez financer”, affirme le président de cette commission nationale pour les jeunes entrepreneurs, Serge Nawej, qui vise 55.000 membres d’ici à 2020.
Thomas Strouvens est un Belge avec de fortes attaches au Congo, où il s’est installé il y a cinq ans. L’ex-publicitaire a lancé en 2017 avec Jean-Louis Mbaka une start-up immobilière de mise en relation de l’offre et de la demande, Youdee.
Les deux entrepreneurs ont réussi une levée de fonds. Résultat: 5.000 visites par mois et huit employés, un exploit en RDC où l’emploi fixe est une denrée rare ce qui repousse l’immense majorité de la population active vers l’économie informelle.
“L’écosystème est mieux organisé et plus puissant qu’on ne le pense. Il y a un vrai potentiel ici”, avance Strouvens. “Les entrepreneurs ont besoin d’un soutien un peu plus fort de l’Etat et du secteur privé, mais nous n’avons vraiment rien à envier à nos voisins”. Pas même au Rwanda?
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