Au Bénin, le sous-emploi est estimé à 72 %, selon un récent rapport pays de la Commission économique pour l’Afrique (CEA).
L’entrepreneuriat s’impose comme le moyen pouvant aider à inverser la tendance, même si le chemin paraît jonché de difficultés. Comment les jeunes Béninois arrivent-ils à faire face au chômage ?
Le Bénin dispose de plus de 2 millions de chômeurs, selon les récentes données de l’Institut national pour la statistique et l’analyse économique. Même avec les diplômes en poche, il devient difficile de trouver un poste adapté.
Beaucoup sont devenus conducteurs de taxi motos avec le master ou la maîtrise.
C’est le cas de Ella, qui a un master, mais peine à trouver un emploi à la taille de ses compétences. Elle explique que “seuls ceux qui ont des connaissances à des postes donnés s’en sortent”.
“Vraiment le recrutement au Bénin, ce n’est pas la peine. On a le diplôme mais quand tu n’as pas les moyens, les connaissances, tu n’iras nulle part et c’est cela qui est dommage. À quoi bon étudier autant d’années?”
La question du chômage fait partie des points essentiels sur lesquels le président Patrice Talon a promis apporter une solution définitive. Mais les jeunes continuent de penser qu'”il y a plus de théorie que de pratique dans la lutte contre le chômage au Bénin”. En attendant d’avoir une réponse favorable aux nombreux dossiers qu’il a déposés, Edgard est conducteur de taxi moto.
“C’est toujours resté figé. Rien n’a encore changé. Les jeunes continuent toujours d’attendre. On espère le changement d’ici quelques années. Sinon ce n’est pas la peine”, tranche-t-il.
Face à l’incertitude, l’auto-entreprenariat devient la solution inévitable. Beaucoup de jeunes sortent aujourd’hui de l’université avec une telle détermination même s’ils n’ont aucune idée de comment financer leur projet. “L’important c’est de se prendre en charge et de ne pas attendre un recrutement qui ne viendra peut être jamais”, pensent certains
“C’est s’auto-employer. Il ne faut pas attendre l’État qui réagit selon un calendrier, selon un programme bien établi. Alors que la question du chômage devient une urgence. On fait de grandes études espérant gagner notre vie et on se retrouve à faire du n’importe quoi. Il n’y a pas de sot métier, mais quand même…”.
Jean Philippe Houssou s’est lancé dans le lavage des voitures. Pour lui, “il fallait faire quelque chose au lieu d’attendre que l’État s’en charge”.
“Rentré au Bénin, j’ai surtout pensé à la création de valeur ajoutée et prouver que nous, Africains, nous sommes capables de faire des choses. Nous pouvons faire rêver la population africaine. Il y a une prise de conscience des jeunes sur la question du chômage. Nous avons nos problèmes mais nous sommes aussi la solution”.
Mabelle Adekambi est l’une de ces Béninoises qui a su s’imposer dans le monde de l’entreprenariat. Elle est la promotrice d’une marque de liqueurs qui s’arrache aujourd’hui sur le marché: The King of Soto. Elle confie que c’est le choix qui s’est imposé à elle après ses études en France.
“Quand on arrive au Bénin on se rend compte que tout est à faire, c’est ainsi que je me suis lancée dans l’entreprenariat. Le bouche à oreille a tellement bien fonctionné que je suis surprise qu’un produit à la base fait pour être dégusté à la maison entre amis se transforme en une entreprise où on arrive à payer des salaires”, relate-t-elle.
“Même avec une bonne stratégie, d’autres hésitent à faire le saut dans l’inconnu sans un minimum de capital”, explique Robert Nougbolognin, chef de ligne devenu pisciculteur.
“Il ne faut pas de grands moyens pour faire de grandes choses. Il suffit forcément que vous ayez une idée claire de votre destination et à petits coups passer dans une logique de réinvestissement et allez beaucoup plus loin”, conseille-t-il.
Par Ginette Fleure Adandé