
La condamnation à mort de Jean-Jacques Wondo en RDC provoque une crise diplomatique majeure entre Bruxelles et Kinshasa, la Belgique exprimant sa ferme opposition à la peine capitale.
La République Démocratique du Congo (RDC) et la Belgique sont plongées dans une tempête diplomatique depuis la condamnation à mort de Jean-Jacques Wondo, un Congolais naturalisé belge.
Ce dernier, reconnu coupable de tentative de coup d’État, a été jugé par un tribunal militaire à Kinshasa avec 36 autres prévenus. Indignée par ce verdict, la Belgique a convoqué l’ambassadeur congolais à Bruxelles, exprimant une vive inquiétude et son opposition ferme à la peine de mort. Ce bras de fer entre les deux pays soulève des questions sur le respect des droits de la défense et la souveraineté judiciaire.
Jean-Jacques Wondo, expert militaire et ancien collaborateur de l’Agence nationale de renseignements (ANR) de la RDC, a été accusé d’être l’architecte intellectuel d’un coup d’État avorté en mai dernier. Le procès, qui a jugé 51 prévenus, dont 37 condamnés à la peine de mort, a été vivement critiqué par de nombreux observateurs pour son manque de transparence et l’insuffisance de preuves présentées.
La Belgique, tout en respectant la souveraineté judiciaire de la RDC, n’a pas caché son malaise face à ce qu’elle perçoit comme un processus judiciaire biaisé, marquant une régression inquiétante de l’État de droit.
À Bruxelles, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le ministère belge des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur congolais pour exprimer officiellement sa protestation. Hadja Lahbib, ministre belge des Affaires étrangères, a publiquement partagé son « inquiétude » lors d’une conversation téléphonique avec son homologue congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner. Elle a insisté sur l’importance de respecter le droit à la défense et rappelé l’opposition ferme de la Belgique à la peine de mort, soulignant que la sentence prononcée contre Wondo est particulièrement préoccupante.
L’Union européenne, quant à elle, a également exprimé sa préoccupation face à cette affaire, y voyant un recul dans la promotion de l’État de droit en RDC. L’Europe, engagée dans la défense des droits de l’homme à travers le monde, craint que ce verdict ne soit qu’un symptôme des dysfonctionnements plus larges du système judiciaire congolais.
Officiellement, la RDC est abolitionniste. La dernière exécution remonte à 2003, date à laquelle le gouvernement congolais a imposé un moratoire sur les condamnations à mort. Mais une note circulaire du ministère de la justice datée du 13 mars a levé ce moratoire « en vue de débarrasser l’armée [congolaise] des traîtres […] et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’homme », pouvait-on lire dans ce texte signé par l’ancienne garde des sceaux Rose Mutombo Kiese.
Ce revirement, « qui s’inscrit dans le cadre de la dissuasion pour diminuer le taux de criminalité urbain », selon Espoir Masamanki Iziri, docteur en droit à l’université de Kinshasa, est une réponse à la dégradation de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, en proie à un conflit contre les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), alimentés en hommes et en équipements par l’armée rwandaise, selon plusieurs rapports des Nations unies.
Cette circulaire vise avant tout à dissuader les potentiels déserteurs au sein des Forces armées de la RDC (FARDC), mises en déroute à plusieurs reprises dans le Nord-Kivu par le M23. Depuis le mois de juillet, plus de 130 condamnations à mort ont été prononcées contre des soldats dans l’est du pays pour « trahison », « fuite devant l’ennemi », « violation des consignes » ou encore « dissipation de munitions ». Cependant, aucune de ces peines n’a abouti à une exécution.
« La levée de ce moratoire fait figure de menace, mais elle ne se traduira pas dans les faits par des exécutions », veut croire Me Bondo, selon lequel la Constitution congolaise, datant de 2006, prime sur la question de la peine de mort : « Dans son jugement, le président du tribunal dit lui-même qu’il prononce la peine de mort sans qu’elle ne soit pour autant appliquée. »
Le cas de Jean-Jacques Wondo n’est pas isolé. Parmi les 37 condamnés à mort figurent également trois Américains, un Britannique et un Canadien, tous Congolais naturalisés. La dimension internationale de cette affaire accroît la pression sur la RDC, soumise à des critiques provenant de divers pays dont les ressortissants sont concernés. Ce procès est désormais surveillé de près par plusieurs gouvernements occidentaux, préoccupés par les éventuelles dérives judiciaires et les répercussions sur leurs relations bilatérales avec Kinshasa.
Si le gouvernement belge respecte la séparation des pouvoirs et n’intervient pas directement sur le fond de l’affaire, il est évident que la condamnation de Jean-Jacques Wondo constitue une crise diplomatique majeure.
La Belgique envisage de poursuivre ses pressions diplomatiques pour obtenir une révision du procès ou une atténuation de la peine, tout en cherchant à éviter une rupture totale avec la RDC, partenaire stratégique en Afrique centrale.
Mme Ruth Malu Franz