Un tribunal militaire a condamné, vendredi 13 septembre, trente-sept prévenus, dont trois Américains, pour la « tentative de coup d’Etat » de mai. Malgré son rétablissement en mars, la peine capitale n’est pas pratiquée dans le pays.
Les trente-sept accusés dans l’affaire de la « tentative de coup d’Etat » du 19 mai en République démocratique du Congo (RDC) ont été condamnés à mort par le tribunal militaire de Kinshasa-Gombe pour « association de malfaiteurs, terrorisme et attentat », selon le jugement prononcé vendredi 13 septembre par le président du tribunal, le major Freddy Ehume.
Les avocats des prévenus, dont six sont étrangers – trois Américains nés aux Etats-Unis, un Belge, un Britannique et un Canadien –, ont prévu de faire appel de la décision. « La peine capitale ne peut plus être appliquée en RDC car elle ne fait plus partie de la loi », avance l’avocat de l’un d’entre eux, Richard Bondo.
Officiellement, la RDC est abolitionniste. La dernière exécution remonte à 2003, date à laquelle le gouvernement congolais a imposé un moratoire sur les condamnations à mort. Mais une note circulaire du ministère de la justice datée du 13 mars a levé ce moratoire « en vue de débarrasser l’armée [congolaise] des traîtres […] et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’homme », pouvait-on lire dans ce texte signé par l’ancienne garde des sceaux Rose Mutombo Kiese.
Ce revirement, « qui s’inscrit dans le cadre de la dissuasion pour diminuer le taux de criminalité urbain », selon Espoir Masamanki Iziri, docteur en droit à l’université de Kinshasa, est une réponse à la dégradation de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC, en proie à un conflit contre les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), alimentés en hommes et en équipements par l’armée rwandaise, selon plusieurs rapports des Nations unies.
Cette circulaire vise avant tout à dissuader les potentiels déserteurs au sein des Forces armées de la RDC (FARDC), mises en déroute à plusieurs reprises dans le Nord-Kivu par le M23. Depuis le mois de juillet, plus de 130 condamnations à mort ont été prononcées contre des soldats dans l’est du pays pour « trahison », « fuite devant l’ennemi », « violation des consignes » ou encore « dissipation de munitions ». Cependant, aucune de ces peines n’a abouti à une exécution.
« La levée de ce moratoire fait figure de menace, mais elle ne se traduira pas dans les faits par des exécutions », veut croire Me Bondo, selon lequel la Constitution congolaise, datant de 2006, prime sur la question de la peine de mort : « Dans son jugement, le président du tribunal dit lui-même qu’il prononce la peine de mort sans qu’elle ne soit pour autant appliquée. »
Les 37 prévenus comparaissaient devant la justice militaire à la suite d’un coup d’Etat manqué à Kinshasa. Dans la nuit du 19 mai, des dizaines d’hommes en treillis avaient attaqué la propriété de Vital Kamerhe, devenu depuis président de l’Assemblée nationale, avant de prendre d’assaut le palais de la Nation, où se situe la présidence congolaise.
Après être parvenus à entrer dans le bâtiment, les hommes du commando s’y étaient filmés brandissant le drapeau du Zaïre – nom de la RDC sous Mobutu Sese Seko, renversé en 1997 – et avaient annoncé le renversement du régime de l’actuel chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis 2019 et réélu en décembre 2023. Le leader de la rébellion, Christian Malanga, un Congolais installé aux Etats-Unis, avait été tué la nuit même, ainsi que quatre hommes de son escadron. Le reste du commando, dont plusieurs étrangers, avait été arrêté dans l’enceinte du palais de la Nation et les alentours.
La présence de ressortissants américains, canadien, britannique et belge parmi les accusés rend la procédure judiciaire plus complexe. Expert militaire belgo-congolais, Jean-Jacques Wondo est accusé d’avoir prêté son véhicule à Christian Malanga et d’avoir effacé des messages échangés avec celui-ci. Parmi les charges retenues contre lui, un discours qu’il avait prononcé en 2017 au Canada sur les différents scénarios en vue d’une prise du pouvoir à Kinshasa.
Ses proches en Belgique ont invité les autorités belges à intervenir. A Bruxelles, le ministère des affaires étrangères s’est dit « surpris » par la condamnation de Jean-Jacques Wondo. La ministre Hadja Lahbib s’est entretenue dimanche avec son homologue congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, pour rappeler « l’opposition absolue de la Belgique à la peine de mort ».
« M. Wondo devrait selon toute vraisemblance pouvoir être extradé vers la Belgique afin d’y purger sa peine, tout comme d’autres prévenus », affirme Me Bondo, qui défend pour sa part le citoyen américain Benjamin Zalman-Polun. Initialement simple partenaire d’affaires de Christian Malanga, ce jeune entrepreneur faisait partie du groupe qui s’est introduit dans le palais de la Nation en mai. « Il pourrait voir sa peine commuée aux Etats-Unis en raison de pressions diplomatiques », conclut Me Bondo.