“Porto-Novo ville verte” est un plan d’aménagement des berges de la capitale béninoise, qui doit permettre selon les autorités de dynamiser le tourisme tout en préservant l’environnement. Mais ce projet prévoit aussi le départ d’une partie des populations qui vivent le long de la lagune.
“On ne jette pas des filets de pêche sur le bitume”, s’indigne Tite Kounasso, pêcheur de 52 ans vivant au bord de la lagune de Porto-Novo qui comme des milliers d’autres devrait être bientôt forcé à partir par les autorités en raison d’un projet d’écotourisme.
Le plan d’aménagement des berges de la capitale béninoise, baptisé “Porto-Novo ville verte” et financé par l’Agence française de développement (AFD), doit permettre selon les autorités de dynamiser le tourisme tout en préservant l’environnement. Mais il prévoit aussi le départ d’une partie des populations qui vivent le long de la lagune stratégiquement située entre le lac Nokoué, juste derrière la capitale économique Cotonou, et l’immense mégapole nigériane de Lagos.
L’objectif est de revitaliser et de mettre en valeur les quartiers proches de la lagune pour leur redonner vie, explique Jérôme Bertrand-Hardy, directeur de l’AFD à Cotonou. Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, le président béninois Patrice Talon a lancé plusieurs chantiers visant à renforcer l’attractivité touristique du pays.
Le long des berges, Baptiste Berard Proust, un touriste français, est séduit par sa promenade et “la magnifique passerelle au milieu des habitations”. Mais il déchante en apprenant que “les personnes qui habitent ici vont être dégagées”, ce qui le “désole”.
Les habitants des berges lagunaires de Porto-Novo, qui vivent essentiellement de la pêche, sont dans l’expectative. “Il y a dix mois, la mairie est passée nous notifier que nous avons un mois pour partir et nous nous sommes constitués en association pour nous défendre face au danger. Nous avons écrit un peu partout mais nous n’avons pas eu de suite”, explique à l’AFP Léopold Padonou, pisciculteur de 44 ans.
“Selon notre propre recensement, nous sommes environ 1.000 ménages, donc 5.000 personnes”, dit-il. Il y environ deux mois, la mairie a marqué d’une croix rouge les maisons à démolir mais “personne ne nous a donné de détails”, détaille avec angoisse M. Padonou, qui est né et a grandi dans ce quartier.
Il reconnaît que l’aménagement des berges a permis d’améliorer nettement les infrastructures. “Nous avons désormais l’éclairage, les routes viennent à nous, les passages piétons existent… On nous a construit des infrastructures pour que nous vivions bien, mais on ne nous laisse pas en jouir et on nous parle déjà de déguerpissement… Pour aller où ?”, interroge-t-il.
“Le lacustre ne peut vivre nulle part d’autre si ce n’est dans l’eau. Nous n’avons appris aucun métier, qu’on nous laisse sur la berge”, réclame le pêcheur Tite Kounasso. A 62 ans, Antoine Ababè Houssou, rêvait de finir ses jours sur cette berge. “Je n’ai nulle part où aller si on me sort d’ici”, glisse-t-il.
Agathe Gandonou, vendeuse de poissons et de crabes, ne désespère pas. “Toute notre force est dans l’eau et nous nous battrons pour nous maintenir ici”, lance-t-elle vigoureusement au milieu d’un groupe d’habitants.
Ange-Marie Esse, chargé de projet pour l’ONG internationale Justice & Empowerment Initiatives, compte bien aider ces populations à faire respecter leurs droits, comme elle l’a déjà fait au Nigeria et au Sénégal. “Il faut donner le pouvoir à la communauté de se défendre. Nous voulons un accord, un partenariat gagnant-gagnant”, soutient-il.
Pour la municipalité de Porto-Novo, le projet a été initié pour mettre fin à l’occupation anarchique de la berge et dans un souci de préservation environnementale. “C’est un projet de résilience aux changements climatiques qui vise à préserver la berge naturelle de Porto Novo tout en développant l’écotourisme”, explique à l’AFP Charlemagne Yankoty, maire de la ville.
“Toutes les infrastructures touristiques de la ville sont en chantier pour renforcer notre attractivité au plan touristique”, assure-t-il. Quant aux populations délogées, il assure que le Conseil municipal a déjà débloqué cent millions de francs CFA (152.000 euros) pour les aider au départ.
“Ceux qui occupent cette berge ne sont pas propriétaires pour la plupart et ils sont trop exposés aux maladies hydriques”, plaide le maire. Il souligne également que tous ne sont pas appelés à partir car “si nous dégageons tout le monde, la berge va manquer de vie”. Le maire assure ainsi qu’un “village moderne de pêcheurs” sera bientôt construit, sans donner de détails sur le calendrier ni sur le nombre de personnes qui y seront relogées.
AFP