Le président tunisien, Kaïs Saïed, a pris tout le monde de court en effectuant samedi 25 mai un remaniement ministériel inattendu. Selon un communiqué de la présidence tunisienne, diffusé sans aucune explication, Khaled Nouri a été nommé au ministère de l’intérieur en remplacement de Kamel Feki, considéré jusque-là comme un proche du chef de l’Etat.
Kamel Madouri, un technocrate, sera, lui, le nouveau ministre des affaires sociales, à la place de Malek Zahi, qui avait aussi l’oreille du président. En outre, un poste de secrétaire d’Etat a été créé au ministère de l’intérieur, chargé de la sécurité nationale et confié à Sofiene Ben Sadok, selon le communiqué.
Ce remaniement a été décidé dans le sillage d’une vague d’arrestations qui a touché ces deux dernières semaines une dizaine de militants des droits humains, des avocats et des journalistes. L’Union européenne, les Etats-Unis et la France ont exprimé leur « inquiétude » et leur « préoccupation », s’attirant les foudres du président Saïed qui a dénoncé « une ingérence étrangère inacceptable ».
Vendredi, des centaines de manifestants, en majorité des jeunes, ont scandé « A bas la dictature » dans les rues de Tunis et dénoncé un retour à un « Etat policier » dans une allusion aux vingt-trois ans de dictature de Zine El-Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par un mouvement populaire. Les manifestants s’en sont pris directement au président Saïed, élu démocratiquement en octobre 2019, mais auteur d’un coup de force à l’été 2021 par lequel il s’est emparé des pleins pouvoirs.
« Kaïs ô dictateur, ton tour est venu », ont crié les manifestants représentant diverses associations de la société civile, le moteur de la révolution de 2011, qui a marqué le début du « printemps arabe » dans la région.
Mercredi, deux chroniqueurs connus à la radio et à la télévision, Borhen Bssais et Mourad Zeghidi, ont été condamnés à une lourde peine d’un an de prison, en vertu d’un décret-loi punissant les « fausses nouvelles », après avoir été accusés d’avoir critiqué la situation socio-économique du pays.
Leur interpellation le 11 mai a coïncidé avec l’arrestation musclée dans les locaux du barreau de Tunis de l’avocate Sonia Dahmani, qui s’est vu reprocher d’avoir ironisé dans une chronique à la télévision sur la possibilité que les migrants subsahariens aient envie de s’installer durablement en Tunisie, malgré la grave crise économique qui la frappe.
Deux jours plus tard, un autre avocat, Mehdi Zagrouba, a été emmené de force par la police et roué de coups, selon la Ligue tunisienne des droits de l’homme, qui, avec l’Organisation mondiale de lutte contre la torture (OMCT), a demandé une expertise médico-légale sur « les sévices » que l’avocat dit avoir subis.
AFP