Des centaines de manifestants ont défilé mercredi dans les rues d’Al-Obeid, dans le centre du Soudan, où six personnes, dont quatre lycéens, ont été tuées lors d’une manifestation lundi.
Lors de la répression d’un rassemblement de protestation contre les pénuries de pain et de carburant à Al-Obeid, à 420 km au sud-ouest de Khartoum, six manifestants ont été tués par balles.
Mercredi, un docteur du principal hôpital d’Al-Obeid a annoncé que seuls quatre des six victimes étaient des lycéens, et non pas cinq comme indiqué auparavant.
“Sang pour sang, nous ne voulons pas de compensation”, a scandé la foule à Al-Obeid, composée de jeunes Soudanais et d’adultes qui brandissaient des drapeaux du Soudan et des photographies des victimes.
Mercredi, les manifestants ont d’abord défilé dans différents quartiers d’Al-Obeid, capitale de l’Etat du Kordofan-Nord, avant de se retrouver dans le centre-ville.
“C’est inacceptable que des jeunes soient tués”, a dénoncé Fatima Mohamed. “Ces lycéens étaient seulement en train de chanter des slogans. Pourquoi ont-ils été tués par balles?”
“Il faut que ceux qui ont commis ces crimes soient présentés devant la justice”, a-t-elle appelé.
Certains manifestants ont accusé les redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) d’avoir tiré sur la foule à Al-Obeid. Plus de 60 personnes ont aussi été blessées.
Après la mort des manifestants, les autorités soudanaises ont annoncé la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires à partir de mercredi et ce “jusqu’à nouvel ordre”.
Le drame de lundi a également entraîné la suspension de négociations prévues mardi entre le mouvement civil et le Conseil militaire au pouvoir pour finaliser un accord sur la transition, les négociateurs de la contestation ayant décidé de se rendre à Al-Obeid.
Le Parti communiste soudanais, qui fait partie du mouvement de contestation, a indiqué mercredi qu’il ne participerait plus aux négociations avec les généraux.
“Nous ne nous retirons pas de l’Alliance pour la liberté et le changement, mais nous ne participerons plus aux négociations avec les généraux”, a affirmé devant les journalistes Mohamed Mokhtar al-Khatib, à la tête du Parti communiste.
“Le Conseil militaire est une extension de l’ancien régime, nous ne ferons partie d’aucune institution de transition”, a-t-il assuré.
Depuis décembre, la répression de la contestation a fait plus de 250 morts, dont 127 manifestants tués le 3 juin dans la dispersion brutale d’un sit-in organisé à Khartoum pour réclamer un pouvoir civil, selon un comité de médecins proche de la contestation.
Mercredi, un des chefs de file de la contestation, Ismaïl al-Taj, a appelé à une “marche du million” jeudi à travers le pays.
“Nous tenons le Conseil militaire de transition responsable de la protection des manifestants, parce que dès qu’il y a une manifestation, des gens sont tués”, a-t-il accusé lors d’une conférence de presse.
L’Union européenne a réclamé que les auteurs de la répression meurtrière de lundi “soient rapidement traduits en justice par les autorités soudanaises”.
Ces violences rendent “la formation d’un gouvernement de transition largement soutenu par le peuple soudanais encore plus urgente”, a déclaré mercredi Maja Kocijancic, la porte-parole de la diplomatie européenne. Dans un communiqué, elle a appelé le Conseil militaire et le mouvement civil à “mettre de côté leurs différences et à… ouvrir la voie à une transition conduite par les civils”.
Pays pauvre à l’économie exsangue, le Soudan est en proie à un mouvement de contestation depuis décembre. Déclenchées après le triplement du prix du pain, les manifestations se sont transformées en opposition au président Omar el-Béchir, destitué et arrêté par l’armée le 11 avril après 30 ans au pouvoir.
Par ailleurs, le président soudanais déchu Omar el-Béchir n’a pas comparu devant le tribunal à la première séance de son procès pour des accusations de corruption et de possession de devises et de richesses illicites.
L’absence de l’ancien président est due à des “raisons de sécurité”, a déclaré mercredi à la presse Ahmed Ibrahim el-Tahir, responsable de la défense de M. Béchir, ajoutant que son procès a été reporté au 17 août prochain.
Il a également noté qu’une des accusations portées concernait l’argent trouvé dans sa résidence, affirmant que “cette somme était une subvention de l’un des pays et n’était pas inclus dans le budget”.
Le parquet général du Soudan avait inculpé M. Béchir suite à la découverte de quelque 113 millions de dollars à son domicile.
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