Déchu de sa nationalité française début juillet après avoir été condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, le suprémaciste noir béninois, président de l’ONG Urgences panafricanistes, est désormais « conseiller spécial » du chef de la junte qui a pris le pouvoir à Niamey lors d’un coup d’Etat le 26 juillet 2023.
Le document de voyage porte la mention « Conseiller spécial » du président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le chef de l’État nigérien Abdourahamane Tiani. Originaire du Bénin, Kémi Séba avait une double nationalité : béninoise et française. Il a perdu sa nationalité française le 9 juillet dernier, après avoir été accusé de mener des activités contraires aux intérêts de la France.
Lui qui s’était fait filmer quatre mois plus tôt en banlieue parisienne en train de brûler ce qu’il affirmait être son passeport français affiche volontiers sa proximité avec les adversaires de Paris en Afrique. A commencer par le général Tiani, qui, après avoir été le chef de la garde présidentielle, est devenu l’artisan de la chute de Mohamed Bazoum, dernier fidèle allié de Paris au Sahel. Qualifié par Kemi Seba de « marionnette de la Françafrique » dans une vidéo publiée début juin sur sa page Facebook, le chef d’Etat déchu reste séquestré dans un appartement du palais présidentiel avec son épouse.
Réputé pour ses prises de position anti-occidentales, Kemi Seba a acquis une popularité en Afrique en 2017, après avoir brûlé en public un billet de 5 000 francs CFA à Dakar. Expulsé du Sénégal puis de la Côte d’Ivoire, il continue depuis de voyager là où l’influence occidentale recule… en même temps que progresse celle de Moscou.
Le Béninois est une des cartes du jeu d’influence que mène la Russie sur le continent. Certaines de ses opérations en Afrique ont été financées à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros par le groupe de sécurité russe Wagner, selon des révélations du magazine Jeune Afrique, de la chaîne Arte et du quotidien allemand Die Welt. Ses objectifs : organiser des manifestations anti-occidentales, identifier et soutenir les associations et personnalités locales enclines à relayer la propagande russe dans leur pays au moment le plus opportun.
La disparition du patron de Wagner, Evgueni Prigojine, dans le crash de son avion, en août 2023, ne semble pas avoir eu de conséquence sur les affaires de Kemi Seba. Ces deux dernières années, il a été reçu successivement par les chefs des juntes malienne, burkinabée et nigérienne, qui ont toutes chassé les soldats et les ambassadeurs français et se sont rapprochées de la Russie.
Ainsi, Kemi Seba s’est rendu au Niger à deux reprises depuis le putsch du général Tiani. Une première fois fin septembre 2023. Au lendemain de l’annonce par le président Emmanuel Macron du retrait des troupes françaises du pays, le polémiste atterrit à Niamey. Aux abords de la base militaire française, il harangue les foules pour dire son « soutien au CNSP » (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, l’organe dirigeant de la junte) et « non à la Françafrique ».
Les soldats français évincés du Niger, Kemi Seba revient en mai, cette fois à l’occasion du début du retrait des militaires américains (qui ont achevé leur départ le 5 août). Une centaine de paramilitaires russes de l’Africa Corps (ex-Wagner) avaient débarqué à Niamey quelques semaines plus tôt. « Toute force politique qui résistera au néocolonialisme sera une force que les panafricanistes soutiendront », répète-t-il alors à la télévision nationale.
L’ancien chef de la Tribu Ka, groupuscule ouvertement antisémite et ségrégationniste dissous par les autorités françaises en 2006, accuse au passage Paris de chercher à déstabiliser le Niger depuis son pays d’origine, le Bénin. Renié par la France, Kemi Seba n’est pas non plus en odeur de sainteté là -bas.
La Rédaction