L’opposant malien Tiébilé Dramé a accusé mercredi le président Ibrahim Boubacar Keïta de dilapider les ressources financières attribuées à l’achat d’équipements militaires, soulignant l’aggravation des violences jihadistes dans le pays.
En février, la Cour suprême avait condamné l’Etat à payer plus de 38 millions d’euros à un fournisseur de l’armée. Cet achat de matériel militaire à une société malienne, ainsi que l’acquisition d’un avion présidentiel pour 40 millions de dollars, tous deux sans appel d’offres, avaient valu en 2014 au Mali des sanctions des institutions financières.
M. Keïta et son gouvernement “ne ratent aucune occasion pour célébrer la remise à niveau de nos forces armées. D’importants moyens auraient été acquis pour mettre nos forces en état d’accomplir leur mission”, a déclaré lors d’une conférence de presse M. Dramé, chef du Parti pour la renaissance nationale (Parena, opposition).
“Malheureusement pour les Maliens, plus le président et ses ministres parlent de nouvelles acquisitions de moyens de défense, plus l’insécurité augmente”, a déploré l’ancien ministre, faisant état de plus de 700 tués en 2017, dont “245 militaires” maliens.
Les Maliens “ont le devoir de s’interroger sur la vraie destination des centaines de milliards votés par l’Assemblée nationale pour mettre l’armée dans les conditions” de faire face à la menace jihadiste, a-t-il ajouté, en référence à la loi quinquennale de programmation militaire adoptée en 2015, d’un montant de 1.230 milliards de FCFA (1,875 milliard d’euros).
M. Dramé s’est en particulier interrogé sur l’exécution d’un contrat signé en juin 2015 au salon du Bourget (France) avec l’entreprise brésilienne Embraer pour la vente de six avions de combat A-29 Super Tucano.
La société s’apprête “à livrer quatre appareils”, a-t-il indiqué, ajoutant: “Où sont donc passés les deux autres avions?”.
L’opposant a également dénoncé les conditions d’achat de deux hélicoptères Super Puma, dont un d’occasion, en espèces, selon lui, exigeant que M. Keïta rende publics des rapports attestant de détournements des dépenses militaires.
Le ministère de la Défense n’a pas réagi dans l’immédiat aux affirmations de M. Dramé.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion à dominante touareg, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.
Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire, qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes, dont l’application accumule les retards.
Par Moussa Sissoko