Les Malgaches se rendent jeudi aux urnes, pour le premier tour d’une présidentielle sous tension, l’opposition appelant depuis plus d’un mois à manifester dans les rues de la capitale Antananarivo pour réclamer un scrutin “juste et équitable”.
Treize candidats sont en lice pour prendre les commandes de la grande île de l’océan Indien où les élections, depuis l’indépendance de la France en 1960, se sont rarement conclues sans être assorties d’une crise ou de contestations.
Le président sortant Andry Rajoelina, 49 ans, qui se dit confiant de remporter la victoire dès le premier tour, est opposé à douze rivaux dont son ennemi en politique et ancien chef d’Etat, Marc Ravalomanana. Mais la bataille entre le candidat du pouvoir et ses opposants fait déjà rage depuis plusieurs mois dans la rue et devant les tribunaux.
La révélation en juin dans la presse que M. Rajoelina avait acquis la nationalité française en 2014, sans qu’il en soit fait ouvertement état, a mis le feu aux poudres. Ses détracteurs invoquent le Code de la nationalité et concluent, intraitables, que le chef d’Etat a perdu la nationalité malgache et ne peut ni gouverner, encore moins prétendre à un second mandat.
Lui, dément toute intention d’avoir dissimulé son choix et explique avoir accompli cette démarche “par amour” pour ses enfants, afin de “faciliter la poursuite de leurs études à l’étranger”. L’opposition a saisi la justice. Mais celle-ci a rejeté en septembre tous les recours réclamant l’invalidation de la candidature de M. Rajoelina.
Selon l’opposition, le président sortant et son camp sont à la manoeuvre pour lui assurer un second mandat. Onze candidats se sont ralliés au sein d’un collectif: ils dénoncent “un coup d’Etat institutionnel” et refusent de faire campagne tant que les conditions pour un scrutin démocratique ne seront pas réunies.
Depuis début octobre, les manifestations, souvent de taille modeste à quelques centaines de soutiens, se sont multipliées dans la capitale à l’appel de l’opposition. Les tentatives d’investir la place du 13-Mai, lieu emblématique des contestations politiques sur l’île, se sont soldées par des jets de gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre. Plusieurs manifestants ont été blessés et des opposants brièvement arrêtés.
Une “tolérance” a été dernièrement appliquée par les autorités mais la place, protégée par une interdiction de manifestation préfectorale, est restée imprenable. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont exprimé leur “préoccupation” et dénoncé un usage disproportionné de la force.
Jusqu’ici, la plupart des candidats du collectif ont refusé de faire campagne tant que les conditions pour un scrutin “démocratique” ne sont pas réunies. Mais le mariage de convenance des opposants n’est pas allé jusqu’au boycott ou la formation d’une coalition avec la désignation d’un candidat unique.
La présidente de l’Assemblée nationale a appelé la semaine dernière à suspendre le processus électoral. Christine Razanamahasoa est depuis plusieurs semaines à la tête d’une tentative de médiation pour rétablir le dialogue entre les deux camps. Jusqu’ici connue pour être une proche du président sortant, les pro-Rajoelina l’accusent d’avoir viré de bord. Cette demande, jugée “farfelue”, a été rejetée par le camp Rajoelina, qui a poursuivi sans sourciller sa campagne.
Le premier tour du scrutin, initialement prévu le 9 novembre, avait déjà été reporté d’une semaine le mois dernier, à la suite de la blessure d’un candidat lors d’une manifestation de l’opposition. La Haute cour constitutionnelle, plus haute juridiction du pays, avait imposé un report pour assurer une “égalité de chance des candidats”.
Selon plusieurs observateurs et sources diplomatiques, l’alliance de l’opposition repose sur des bases fragiles. Et les opposants, aux ego et divergences politiques tenaces, ont peu de chances de changer la donne.
Une défaite d’Andry Rajoelina, qui avait accédé au pouvoir en 2009 à la faveur d’une mutinerie chassant Marc Ravalomanana et finalement élu en 2018, est ainsi peu probable, estiment ces sources.
AFP