
Analyste Politique et Politologue Congolais
Tidjane Thiam est officiellement investi candidat du PDCI pour la présidentielle ivoirienne de 2025. Seul en lice, l’ancien patron de Credit Suisse cristallise les espoirs d’alternance après des années d’opposition. Derrière cette investiture sans rival se cache pourtant une bataille de légitimité interne et un enjeu véritable pour le retour au pouvoir du vieux parti.
L’élection de Tidjane Thiam comme candidat rend « plus facile » le travail sur le terrain, notamment dans les villes reculées : les personnes abordées sauront ainsi que « le PDCI a un candidat ». En parallèle, la campagne de M. Thiam est parasitée depuis plusieurs semaines par une polémique concernant sa nationalité.
Tidjane Thiam, ancien ministre du Plan sous Henri Konan Bédié et ex-dirigeant de Credit Suisse, n’a pas mené de campagne active pour cette primaire. Actuellement hors du pays, il reste pourtant au centre de toutes les attentions. Depuis son élection à la tête du PDCI en décembre dernier, il fait face à des remises en question internes, notamment via une procédure judiciaire visant sa légitimité à la présidence du parti. Ces remous pourraient également avoir des conséquences sur sa candidature présidentielle, en remettant en cause son éligibilité.
Né en Côte d’Ivoire, il a acquis la nationalité française en 1987 et y a renoncé en mars, afin de se présenter à la présidentielle, scrutin pour laquelle un candidat ne peut être binational. Mais, selon ses détracteurs, l’acquisition d’une autre nationalité l’a automatiquement déchu de sa nationalité ivoirienne, en vertu de l’article 48 du code de la nationalité, datant des années 1960. Le PDCI a dénoncé des « manœuvres » du pouvoir afin d’empêcher M. Thiam d’être candidat.
Par ailleurs, M. Thiam n’est pas « bien connu des Ivoiriens », et « le PDCI doit redoubler d’efforts en [matière] de communication politique et de rencontres ». Le chef du PDCI, âgé de 62 ans, a été absent du pays pendant plus de vingt ans pour une carrière à l’étranger à la tête de puissantes sociétés comme Aviva, Prudential ou encore Credit Suisse.
En l’investissant sans rival, le PDCI entend capitaliser sur la notoriété et le profil technocratique de Tidjane Thiam pour incarner une alternance crédible face au RHDP d’Alassane Ouattara. Dans un contexte où la classe politique ivoirienne peine à se renouveler, le banquier international incarne une figure à la fois expérimentée et perçue comme externe au système politicien classique. Reste à savoir si cette stratégie séduira l’électorat, alors que le scrutin d’octobre 2025 s’annonce déjà tendu et stratégique pour l’avenir démocratique du pays.
En parallèle, des tensions montent dans l’opposition, qui multiplie les meetings. Trois figures de la politique ivoirienne ont affirmé leur intention d’être candidates à la présidentielle, mais sont inéligibles en raison de condamnations judiciaires.
Il s’agit de l’ancien président Laurent Gbagbo (2000-2011), investi par le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) de son ancien bras droit Charles Blé Goudé, et de l’ancien premier ministre et ex-chef rebelle Guillaume Soro, en exil. Mardi, M. Soro a publié une photo sur les réseaux sociaux le montrant à Accra, au Ghana. Leur nom n’apparaît pas sur la liste électorale provisoire, dont la version définitive sera publiée en juin.
En outre, le PDCI de M. Thiam et le PPA-CI de M. Gbagbo ont récemment annoncé suspendre leur participation à la Commission électorale indépendante (CEI), en dénonçant le manque d’indépendance de cet organe chargé d’organiser les élections.
Le parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a répondu mercredi qu’il « n’entend pas se laisser distraire par tout ce vacarme orchestré par une opposition qui, en réalité, a peur des élections », a déclaré le ministre d’Etat et porte-parole du parti, Kobenan Kouassi Adjoumani. « Le scrutin du 25 octobre est mal parti », estime Geoffroy Kouao : « On assiste à une escalade verbale entre les acteurs politiques. »
Parmi les personnalités éligibles, se sont déclarés candidats l’ex-premier ministre Pascal Affi N’Guessan, et l’ancienne première dame Simone Ehivet Gbagbo.
De son côté, le président, Alassane Ouattara, 83 ans, n’a pas indiqué s’il comptait ou non briguer un quatrième mandat, mais il s’est dit, en janvier, « désireux de continuer à servir son pays ». Le parti au pouvoir a déclaré être « dans l’attente de la publication de la liste [électorale] définitive », en juin, « pour engager la bataille du parrainage de son candidat ».
Par Guylain Gustave Moke