La dette mondiale atteint des niveaux alarmants, mais c’est en Afrique que la situation est la plus critique. Les économies africaines, déjà fragilisées par une série de crises mondiales, sont aujourd’hui confrontées à un fardeau de la dette sans précédent. Entre 2013 et 2023, le nombre de pays africains dont le ratio dette/PIB dépasse 60 % est passé de 6 à 27, illustrant l’ampleur du problème.
Le coût du remboursement de la dette en Afrique est de plus en plus exorbitant. En 2023, les nations en développement, dont une grande partie se trouve en Afrique, ont payé 847 milliards de dollars en intérêts nets, soit une augmentation de 26 % par rapport à 2021. Ces pays empruntent sur les marchés internationaux à des taux considérablement plus élevés que ceux des pays développés, ce qui accentue leur vulnérabilité économique.
Cette augmentation rapide des coûts d’intérêts limite les budgets nationaux. Actuellement, la moitié des pays en développement consacre au moins 8 % de leurs revenus gouvernementaux au service de la dette, un chiffre qui a doublé au cours des dix dernières années. Pour les pays africains, cette situation est particulièrement désastreuse car elle limite leur capacité à investir dans des secteurs cruciaux tels que l’éducation et la santé.
Le rapport révèle une réalité alarmante : 3,3 milliards de personnes dans le monde vivent dans des pays où les paiements d’intérêts surpassent les dépenses combinées en éducation et en santé. En Afrique, la situation est encore plus critique. Les dépenses par habitant pour les intérêts de la dette (70 $) dépassent celles de l’éducation (60 $) et de la santé (39 $). Près de 769 millions d’Africains, soit presque deux tiers de la population du continent, vivent dans des pays où les paiements d’intérêts surpassent les investissements dans l’éducation et la santé.
Avec la crise de la dette qui s’intensifie, les actions pour limiter le réchauffement global à 1,5°C deviennent urgentes. Cependant, les pays africains consacrent actuellement une plus grande proportion de leur PIB aux paiements d’intérêts (2,4 %) qu’aux initiatives climatiques (2,1 %). La dette restreint leur capacité à investir dans des mesures cruciales pour lutter contre le changement climatique, exacerbant ainsi les vulnérabilités environnementales du continent.
Pour faire face à cette crise, un plan ambitieux est nécessaire pour réformer le système financier mondial et renforcer le paquet de mesures des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Les efforts spécifiques pour l’Afrique devraient inclure :
- Améliorer la participation effective des pays africains à la gouvernance des systèmes financiers mondiaux.
- Réduire le coût croissant de la dette et le risque de détresse de la dette par un mécanisme efficace de restructuration.
- Etendre les financements d’urgence pour fournir une plus grande liquidité en période de crise, afin que les pays africains ne soient pas contraints de recourir à l’endettement en dernier recours.
- Augmenter massivement les financements abordables et à long terme en mobilisant les banques multilatérales de développement et les ressources privées pour l’Afrique.
Le rapport « Un monde de dettes : Un fardeau croissant pour la prospérité mondiale », préparé par l’équipe technique du Global Crisis Response Group de la CNUCED sous la direction de la Secrétaire générale Rebeca Grynspan, servira de base aux discussions de la réunion inaugurale du Groupe des leaders du Stimulus ODD convoquée par les Nations Unies le 5 juin 2024.
L’Afrique se trouve à un point critique. Il est impératif de réformer les systèmes financiers internationaux pour alléger le fardeau de la dette et permettre aux pays africains d’investir dans leur avenir. Les recommandations de ce rapport fournissent une feuille de route essentielle pour surmonter les défis posés par la crise de la dette en Afrique et créer un avenir plus équitable et durable pour le continent. En mobilisant les ressources nécessaires et en mettant en place des mécanismes efficaces, nous pouvons espérer un avenir prospère pour l’Afrique et ses habitants.
De Notre Correspondent aux États Unis