Le 29 septembre dernier, une conférence organisée par la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA), un parti d’opposition togolais, a été violemment perturbée à Lomé, la capitale du Togo.
Des députés, des journalistes et plusieurs participants ont été blessés après que des assaillants ont lancé des objets, causant le chaos lors de l’événement. Guy Marius Sagna, membre sénégalais du parlement de la CEDEAO, a été évacué d’urgence de la salle en raison d’une commotion cérébrale. L’inaction des forces de sécurité présentes sur place a suscité de vives critiques, en particulier de la part des défenseurs des droits humains et des responsables de l’opposition.
Le Togo connaît depuis plusieurs années une situation politique marquée par des tensions entre le pouvoir en place et l’opposition. Le pays est dirigé par la famille Gnassingbé depuis 1967, d’abord par le général Gnassingbé Eyadéma, puis, à sa mort en 2005, par son fils Faure Gnassingbé. Ce long règne dynastique s’est accompagné de nombreuses restrictions aux libertés publiques et de répressions des mouvements d’opposition, ce qui a contribué à une méfiance croissante de la population envers les institutions étatiques.
Les violences récentes s’inscrivent dans un contexte plus large de violations des droits de réunion pacifique et de la liberté d’expression au Togo. Depuis le début de l’année, de nombreux événements organisés par des partis politiques ou des organisations de la société civile ont été interdits ou réprimés par les autorités. En mars, plusieurs conférences de presse et réunions ont été dispersées, tandis qu’en avril, des membres de la coalition d’opposition Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) ont été arbitrairement arrêtés.
Lors de l’événement du 29 septembre, des assaillants présents dans le public ont commencé à lancer des chaises et des pierres lorsque Guy Marius Sagna, parlementaire sénégalais de la CEDEAO, a pris la parole. Plusieurs témoins, dont Targone Sambiri, un ancien député, ont décrit des scènes de chaos, où les participants ont été pris pour cible sans défense. « Les chaises ont commencé à voler ; des projectiles, dont des pierres, ont ciblé le public et le podium« , a-t-il rapporté à Amnesty International.
Ce qui a particulièrement indigné les participants et les observateurs, c’est l’inaction totale des forces de sécurité présentes à proximité. Selon Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale de la CDPA, les gendarmes n’ont rien fait pour intervenir, malgré les appels à l’aide des organisateurs et des participants. « Quand les violences ont commencé, des gens sont allés les interpeler, mais ils sont restés de marbre », a-t-elle déclaré.
En réponse aux violences, le directeur général de la police nationale a annoncé l’ouverture d’une « procédure judiciaire » et a insinué que les organisateurs n’avaient pas sollicité de mesures de sécurité préventives. Cette déclaration a été perçue par beaucoup comme une tentative de rejeter la responsabilité sur les organisateurs de l’événement, plutôt que de s’interroger sur le comportement des forces de l’ordre.
Amnesty International, par la voix de Samira Daoud, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, a dénoncé cette attaque comme « inacceptable » et a exigé une enquête immédiate et indépendante pour comprendre l’inaction des forces de sécurité et traduire en justice les responsables des violences. « Il faut également procéder à un examen approfondi du maintien de l’ordre lors de cet événement« , a ajouté Samira Daoud, soulignant la nécessité de protéger les droits de réunion pacifique et de liberté d’expression.
La violence à laquelle ont été confrontés les participants à la conférence de la CDPA n’est pas un cas isolé. Depuis des mois, la liberté de réunion est fortement restreinte au Togo. En août dernier, une réunion de protestation organisée par une coalition de la société civile a été reportée, les autorités ayant jugé le lieu choisi « inapproprié ». En parallèle, des membres de l’opposition ont été empêchés de manifester, et les forces de sécurité ont justifié leurs actions par des accusations vagues d’intentions violentes de la part des organisateurs.
Ces restrictions s’inscrivent également dans un contexte politique de modification constitutionnelle controversée, adoptée en avril dernier. Désormais, le Président du Togo est élu non plus par le suffrage universel direct, mais par l’Assemblée nationale et le Sénat pour un mandat de quatre ans. Cette réforme, votée par un Parlement largement dominé par les représentants du parti au pouvoir, est perçue par de nombreux citoyens et membres de l’opposition comme une régression démocratique, consolidant le pouvoir de l’exécutif et réduisant encore davantage l’espace de débat et de contestation.
La Rédaction