Le chef de l’opposition tanzanienne a été inculpé d'”appel à la haine” et “incitation à la rébellion”, notamment, après son arrestation avec cinq autres membres de son parti, a-t-on appris de source judiciaire.
Freeman Mbowe, le président du principal parti d’opposition, le Chadema, est inculpé pour son rôle dans une manifestation organisée le 16 février, lors de laquelle une étudiante de 22 ans qui ne participait pas au rassemblement a été tuée par une balle perdue de la police.
Il est poursuivi pour “huit chefs d’accusation”, a déclaré à l’Afrique Diplo une source au greffe du tribunal de Kisutu, dans la capitale économique Dar es Salaam.Â
Les chefs d'”appel à la haine” et “incitation à la rébellion” sont retenus contre lui pour un discours prononcé lors de la manifestation et dans lequel il avait prédit la chute imminente du président John Magufuli.
M. Mbowe est aussi poursuivi pour participation à cette manifestation illégale, chef également retenu contre ses cinq coaccusés.
Ces derniers sont le secrétaire général du parti Vincent Mashinji, les députés John Mnyika, Peter Msigwa et Esther Matiko, ainsi que le secrétaire général adjoint pour la branche du parti dans l’archipel de Zanzibar, Salum Mwalimu.
Leur arrestation à Dar es Salaam avait été annoncée par le porte-parole du Chadema, Tumaini Makene.
Une enquête avait été ordonnée par le président Magufuli après la mort de l’étudiante. Plusieurs policiers ont depuis été arrêtés, mais les autorités estiment que les principaux responsables de cette mort sont les organisateurs de la manifestation.
La police avait tiré à balles réelles le 16 février pour dégager la voie publique envahie par des partisans du Chadema. Ces derniers s’étaient mis en marche vers le bureau local de la Commission électorale pour exiger des accréditations afin d’observer le déroulement d’une élection législative partielle prévue le lendemain.
Le juge statuera jeudi sur la demande de libération conditionnelle des six membres du Chadema, a indiqué à l’Afrique Diplo l’un des avocats de la défense, Peter Kibatala.
“L’accusation a demandé au juge de ne pas leur accorder de libération sous caution, sous prétexte qu’ils continueraient à inciter au crime. Mais nous nous y sommes opposés, en nous fondant notamment sur la faiblesse du dossier et en faisant valoir les droits des accusés”, a-t-il expliqué.
“Le juge a annoncé qu’il rendrait sa décision après-demain (jeudi). En attendant, ils restent en détention”, a ajouté Me Kibatala, joint au téléphone à sa sortie de l’audience, en début de soirée.
Surnommé “Tingatinga” (bulldozer en swahili), le président Magufuli, 58 ans, a marqué les esprits depuis sa prise de fonctions fin 2015 en se montrant inflexible dans la lutte contre la corruption.
Mais son style peu consensuel et brutal lui vaut d’être qualifié d’autocrate et de populiste par ses détracteurs, alors que la liberté d’expression est de plus en plus réduite dans le pays.
Des meetings de partis d’opposition ont été interdits, des responsables d’opposition arrêtés, des journaux fermés, et des journalistes et artistes molestés ou menacés de mort pour avoir critiqué la nouvelle administration.
En septembre 2017, le député Tundu Lissu, membre du Chadema et numéro deux de l’opposition au Parlement, avait été grièvement blessé à son domicile, atteint de plusieurs balles. Courant février, deux responsables locaux du Chadema ont été tués par des inconnus, des meurtres qualifiés d’assassinats politiques par l’opposition.
Par Khadidja Omari