Ce 15 juillet 2024, dès 5h TU (7h heure locale), les bureaux de vote ont ouvert leurs portes au Rwanda pour un double scrutin historique : les élections présidentielle et législatives se tiennent simultanément pour la première fois. Paul Kagame, à la tête du pays depuis 2000, brigue un quatrième mandat face à deux candidats : Frank Habineza du parti vert et l’indépendant Philippe Mpayimana. Plus de neuf millions de Rwandais sont appelés à se prononcer.
Dès 6h30, à Nyamirambo, un quartier de la capitale Kigali, une centaine de personnes attendent déjà devant un bureau de vote installé dans une école. Les volontaires de la Commission électorale rwandaise, en uniforme blanc et noir, prêtent serment avant de se répartir dans les 19 salles de classe décorées pour l’occasion. Les urnes, drapées aux couleurs du drapeau rwandais, attendent les bulletins des électeurs.
À Rubavu, ville frontalière avec la République démocratique du Congo (RDC), les opérations de vote commencent également avant l’aube. Les urnes sont scellées sous les yeux des premiers électeurs, tandis que l’ambiance est festive avec de la musique dans la cour de l’école.
Les électeurs de Rubavu, nombreux dès l’ouverture, doivent souvent traverser la frontière pour travailler à Goma, en RDC. La crise sécuritaire liée au groupe rebelle du M23 a imposé la fermeture de la frontière à 15h, poussant les habitants à voter tôt pour ensuite passer en RDC. Beaucoup espèrent qu’une amélioration des relations entre les deux pays permettra un retour aux anciennes règles de passage.Â
Pour la première fois, les Rwandais déposent deux bulletins dans deux urnes distinctes, une harmonisation décidée l’année dernière pour réduire les coûts électoraux. Cette innovation ajoute une dimension nouvelle à l’expérience de vote, permettant aux citoyens de se prononcer simultanément sur les candidats présidentiels et les listes législatives votées à la proportionnelle.
L’organisation de ces élections simultanées représente un défi logistique immense. À Kigali comme à Rubavu, les électeurs ont montré leur engagement civique en se présentant nombreux dès l’ouverture des bureaux de vote. Ce double scrutin pourrait être marqué par une participation record, témoignant de l’importance de ces élections pour l’avenir du pays.
À Rubavu, la fermeture anticipée de la frontière impacte directement l’économie locale, reliant le scrutin à des enjeux transfrontaliers. Les électeurs espèrent que les résultats de ces élections permettront une amélioration des relations avec la RDC et un retour à des échanges commerciaux plus fluides.
Paul Kagamé est opposé aux mêmes adversaires, Frank Habineza et Philippe Mpayimana, que lors de la dernière présidentielle qu’il avait remportée avec 98,79% des voix. Lors des précédents scrutins de 2003 et 2010, il n’a jamais eu moins de 93%.
Philippe Mpayimana et Frank Habizena, adversaires formels au chef de l’Etat sortant, Paul Kagame, peinent à réunir une poignée de supporteurs. En face, le « boss », aux commandes du pays depuis trente ans, s’appuie sur une machine de guerre électorale, son parti, le Front patriotique rwandais (FPR), qui remplit des stades de dizaines de milliers de fans dans tous les coins du pays.
On comprend aisément le manque d’enthousiasme des quelques militants déclarés ou partisans potentiels de ces deux opposants réduits au rôle de faire-valoir d’une réélection jouée d’avance. Comme l’ont été toutes les précédentes consultations organisées depuis que les troupes de Paul Kagame ont stoppé le génocide des Tutsi en 1994 ; depuis qu’elles ont chassé ou éliminé les idéologues racistes du « hutu power » ainsi que tout l’appareil politico-militaire qui, en cent jours, perpétra le crime des crimes, massacrant 800 000 personnes.
En 2000, Paul Kagame, qui dirigeait déjà le pays de facto depuis sa victoire militaire, est élu à  la présidence par un Parlement aux ordres. Trois ans plus tard, une fois instaurée l’élection au suffrage universel direct, il s’octroie 95 % des voix. Le scrutin suivant, en 2010, se solde par ce qui reste à ce jour son plus mauvais score : « seulement » 93 % des bulletins pour un taux de participation de 88 %. En 2017, la barre a été relevée à 98,63 %. Difficile d’imaginer un autre scénario en 2024.
Aux commandes du pays depuis trente ans, Paul Kagame est assuré d’être réélu et pourrait se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034 après la révision constitutionnelle adoptée par référendum en 2015 (avec 98 % des voix) a certes abaissé la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans.
La Rédaction