La justice suisse a condamné mercredi Ousman Sonko, un ancien ministre de l’Intérieur gambien à 20 ans de prison pour divers crimes contre l’humanité sous le régime de l’ex-président Yahya Jammeh, classant une partie des charges.
Ousman Sonko, 55 ans, “est condamné à une peine privative de liberté de 20 ans”, a déclaré la greffière du Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, dans le sud-est de la Suisse. La Cour prononce aussi son expulsion – une fois la peine exécutée – du territoire suisse pour 12 ans, et le contraint à s’acquitter d’une réparation envers les parties civiles. Il peut faire appel devant ce même tribunal.
Ousman Sonko avait été arrêté le 26 janvier 2017 en Suisse où il avait demandé l’asile après avoir été démis de ses fonctions ministérielles qu’il a occupées pendant 10 ans, jusqu’en septembre 2016. En mars dernier, la procureure avait requis la prison à perpétuité contre Ousman Sonko. Arrêté en 2017 à Berne, cet ancien cacique du régime de Yahya Jammeh répondait des accusations de crimes contre l’humanité, torture, enlèvement ou encore exécutions extrajudiciaires.
Hier mercredi, le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, dans le sud-est de la Suisse, l’a condamné à 20 ans de prison ferme. Le condamné a la possibilité de faire appel. Le procès de Ousman Sonko aura duré de janvier à mars dernier où ses avocats ont réclamé son acquittement pur et simple, demandant même le versement à leur client d’une compensation financière pour les années qu’il a passées en détention.
En Suisse, c’est la première fois que la notion de crime contre l’humanité – des crimes commis dans le cadre d’une attaque de grande ampleur visant des civils – était abordée en première instance. Selon la défense, les conditions du crime contre l’humanité n’étaient pas remplies. Elle estime que les faits retenus par le parquet étaient des actes isolés dans lesquels l’ex-ministre de l’Intérieur ne porte aucune responsabilité, pointant du doigt l’Agence nationale de renseignements (NIA) et les Junglers, un groupe paramilitaire.
La défense considère aussi que certains éléments de l’acte d’accusation échappent à la législation suisse car ils sont antérieurs à 2011, date depuis laquelle la Suisse se reconnaît une compétence universelle pour juger certains crimes graves en vertu du droit international. C’est également en 2011 que les crimes contre l’humanité ont été inscrits dans le droit suisse. Selon la Cour, les dispositions pénales de crimes contre l’humanité entrées en vigueur le 1er janvier 2011 trouvent application, même si une partie des faits reprochés remonte jusqu’à l’année 2000
Ousman Sonko est la deuxième personnalité du régime de Yahya Jammeh à être condamnée par un tribunal.
Avant lui, il y avait eu, en novembre 2023, la condamnation, en Allemagne, de Bai Lowe, un des membres des escadrons de la mort de Yahya Jammeh, à la prison à perpétuité. Mais, Ousman Sonko demeure à coup sûr le plus haut responsable hiérarchique jugé en Europe au titre de la compétence universelle. Il passait pour l’un des hommes les plus proches de Yahya Jammeh. Ce qui avait fait dire à la procureure, pendant le procès : « C’était un confident du Président Jammeh. Il était totalement au courant qu’il réalisait sa vision, avec une attaque large et systématique contre les civils ».
Ousman Sonko a évolué graduellement dans le système mis en place par l’ancien dictateur, allant du poste de commandant de la garde présidentielle à celui de ministre de l’Intérieur en passant par le grade d’inspecteur général de la police. Des positions qui ont convaincu le tribunal de la responsabilité de l’homme dans les nombreux crimes de sang qui ont jalonné la présidence de Yahya Jammeh.
En Gambie, le gouvernement gambien a endossé en 2022 les recommandations d’une commission qui s’est penchée sur les atrocités perpétrées sous l’ère Jammeh. Les autorités ont accepté de poursuivre 70 personnes, dont M. Jammeh, parti en exil en Guinée équatoriale en janvier 2017.
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