Au Burundi, il ne reste qu’un mois avant le référendum du 17 mai, fortement critiqué par l’opposition. Celui-ci doit entériner une révision de la loi fondamentale, qui devrait permettre au président Pierre Nkurunziza de rester au pouvoir jusqu’en 2034.
La Commission électorale nationale indépendante, la Ceni, dit avoir débuté le déploiement du matériel lourd en direction des commissions électorales provinciales du pays et annonce que les cartes d’électeurs sont en train d’être imprimés.
Officiellement, tout le monde se prépare et attend le début d’une campagne électorale de deux semaines qui doit commencer le 1er mai et s’achever 48 heures avant le scrutin.
Officiellement, le parti Cndd-FDD, au pouvoir au Burundi, est en train de mettre en place ses comités de campagnes, qui ne se mettront en branle que le jour J. Mais la réalité est tout autre sur le terrain. Les forces de l’ordre et les Imbonerakure – les membres de la ligue des jeunes du parti, que l’ONU qualifie de milice – quadrillent le pays. Tout le monde est déjà convaincu que les jeux sont faits.Â
L’opposition burundaise, quant à elle, est vent debout contre une révision de la Constitution. Cela signerait selon elle l’enterrement de l’accord de paix d’Arusha, qui a ouvert la voie à la fin d’une décennie de guerre civile au Burundi.
Mais cette même opposition est divisée sur la stratégie à adopter. Ceux en exil sont sur une ligne dure et appellent notamment la population à boycotter le référendum du 17 mai. Ils dénoncent ceux qui vont cautionner ce qu’elle qualifie de « parodie de consultation du peuple », en participant à la campagne référendaire.
Une allusion très claire à l’opposition interne, qui a au contraire décidé de faire campagne pour le non, même si elle ne se fait pas d’illusion sur l’issue du vote. Ses militants ont été forcés de se faire inscrire sur les listes électorales, les récalcitrants ont été parfois arrêtés, tabassés ou certains tués, selon les ONG locales et internationales.
Enfin, la Ceni a introduit une nouvelle règle qui oblige les partis politiques à se faire enregistrer officiellement pour faire campagne dans un sens ou l’autre. Ses leaders ne pas avoir eu « d’autre choix ».
Le Burundi a sombré dans le non-droit depuis avril 2015, après l’annonce par Nkurunziza de sa candidature pour un troisième mandat controversé, en dépit de la limite de deux mandats fixée par les Accords d’Arusha.
Cet accord-cadre politique, signé en 2000, était le premier d’une série de compromis de partage du pouvoir destinés à mettre fin à la guerre civile dans le pays.
Si le troisième mandat de Nkurunziza a été simplement controversé, l’actuelle constitution n’en autorise pas un quatrième.
Mais le président et son parti, le CNDD-FDD, ont appelé à l’organisation d’un référendum pour modifier la constitution afin d’allonger à sept ans la durée du mandat présidentiel et de le rendre renouvelable une seule fois.
Toutefois, le compte des mandats déjà accomplis serait ramené à zéro, permettant à Nkurunziza de briguer la présidence pour deux nouveaux mandats de sept ans, en 2020 et 2027. Le changement pourrait ainsi lui permettre de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034.
Depuis 2015, les opposants politiques au Burundi ont subi de plus en plus de pressions et beaucoup affirment craindre pour leur vie.
En 2016, Human Rights Watch a publié un rapport sur la manière dont les agents des services de renseignement avaient torturé et maltraité un grand nombre d’opposants présumés au gouvernement, soit dans leurs locaux soit dans des lieux secrets répartis à travers le pays.
En 2015 et 2016, Human Rights Watch a également documenté le fait que des groupes armés d’opposition avaient attaqué des membres des forces de sécurité et des membres du parti au pouvoir, y compris des policiers et des Imbonerakure.
Des membres des Imbonerakure ont été impliqués dans de multiples violations des droits humains depuis au moins 2009.
Lors de la période ayant précédé les élections de 2010, dont Nkurunziza est sorti victorieux pour son second mandat en dépit de nombreuses allégations de fraude, le parti au pouvoir s’est servi de membres des Imbonerakure pour intimider et harceler l’opposition politique, notamment lors d’affrontements dans la rue avec les branches jeunesse des partis d’opposition.
Depuis le début de la crise actuelle en avril 2015, les membres des Imbonerakure sont devenus de plus en plus puissants dans certaines régions du pays, torturant, arrêtant, passant à tabac et attaquant des membres des FNL et d’autres opposants présumés au gouvernement.
Dans un rapport de mai 2016, Human Rights Watch a documenté le fait que certaines victimes de viol et de violences sexuelles étaient en mesure d’identifier des membres des Imbonerakure qui les avaient violées. Certaines avaient été visées parce que leurs maris ou des membres masculins de leurs familles étaient des adhérents du parti d’opposition.
Dans un autre rapport, en 2017, Human Rights Watch documentait de nombreux cas à travers le pays dans lesquels les Imbonerakure avaient tué avec une extrême brutalité, torturé et sévèrement battu des individus.
Des témoins ont pu affirmer que certains Imbonerakure sont plus puissants que la police, qui n’intervient pas, même lorsqu’elle sait que des membres des Imbonerakure commettent de graves abus.
Par Jennifer Birich