Alors que l’Afrique du Sud se prépare pour ses élections nationales et provinciales, le 29 mai, le pays est plongé dans un climat d’incertitude et d’anticipation politique. La perspective imminente de la perte de la majorité parlementaire par les représentants du Congrès national africain (ANC), une position qu’il occupe depuis l’avènement de la démocratie en 1994, a injecté un sentiment d’urgence et de signification dans ces élections.
Difficile de ne pas se souvenir de ce qu’écrivait Nelson Mandela en décembre 1993 : « Les droits humains seront la lumière qui guide notre politique internationale. » Libéré en 1990 après vingt-sept années d’emprisonnement, Nelson Mandela mettra fin, en avril 1994, à près d’un demi-siècle d’oppression raciste en remportant les premières élections libres, sous les yeux du monde qui admire le « miracle » sud-africain.
Trente ans plus tard, son parti, le Congrès national africain (ANC), est toujours aux manettes. Mais cette formation peut-elle encore se réclamer de l’autorité morale d’un Nelson Mandela ? Alors que l’Afrique du Sud s’apprête à se rendre aux urnes le 29 mai pour élire ses députés, l’ANC pourrait perdre sa majorité absolue pour la première fois depuis la fin de l’apartheid. Chômage massif, criminalité record, corruption, déliquescence des infrastructures… tous les indicateurs sont au rouge.
L’ANC, autrefois vénéré pour son rôle crucial dans la fin de l’apartheid, fait désormais face à la perspective redoutable de former un gouvernement de coalition. Cela marquerait une évolution significative de sa domination de la politique sud-africaine depuis des décennies. Les analystes prédisent que la part de vote de l’ANC pourrait passer en dessous du seuil crucial de 50%, nécessitant des alliances avec des partis plus petits pour assurer la gouvernance.
Au milieu du désenchantement généralisé quant à la performance de l’État, exacerbé par la corruption rampante, la stagnation économique et la détérioration des services publics, les électeurs sud-africains aspirent au changement. La jeunesse du pays, en particulier, s’est imposée comme une force puissante. Avec un nombre record d’électeurs inscrits âgés de 40 ans et moins, représentant 42% de l’électorat, la jeunesse pèse. Ce changement démographique souligne une demande croissante de responsabilité et de progrès, alors que le désenchantement face au bilan de gouvernance de l’ANC s’intensifie.
Au-delà de l’ANC, une constellation de forces politiques lutte pour l’influence, reflétant la nature fracturée de la politique sud-africaine. Des partis populistes comme les Combattants de la Liberté Économique (EFF) dirigé par Julius Malema, promettent une transformation économique radicale. L’entrée en scène de l’ancien Président Jacob Zuma avec le parti uMkhonto weSizwe ajoute une autre couche de complexité, soulignant les tensions latentes au sein de l’ANC et du paysage politique plus large.
Alors que la nation se prépare à d’éventuelles négociations de coalition post-électorales, les préoccupations concernant la stabilité sont omniprésentes. Les souvenirs des violences électorales passées, y compris les affrontements mortels au KwaZulu-Natal après l’emprisonnement de Zuma, en 2021, servent de rappel brutal des risques d’instabilité politique. Dans ce contexte, les appels à la retenue, au dialogue et au respect des institutions démocratiques résonnent, soulignant l’impératif de sauvegarder la réputation durement acquise de l’Afrique du Sud en tant que phare de la démocratie sur le continent africain.
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