
Interrogé sur l’arrivée de ces familles sur le sol américain, lundi, Donald Trump a évoqué un « génocide » dont seraient victimes les agriculteurs blancs sud-africains. A peine quatre-vingt-dix jours. C’est le temps extraordinairement court qu’il aura fallu aux Etats-Unis pour accueillir les premiers « réfugiés » sud-africains invités par Donald Trump.
Début février, alors qu’il venait de suspendre le programme américain d’accueil, le président des Etats-Unis faisait une exception en signant un décret visant à « promouvoir la réinstallation de réfugiés afrikaners fuyant la discrimination raciale ». Une annonce qui avait stupéfié l’Afrique du Sud, où trente ans après la fin de l’apartheid, la minorité blanche reste, de loin, la plus favorisée du pays le plus inégalitaire au monde.
D’après les autorités sud-africaines, dimanche 11 mai, aux alentours de 20 heures, 49 personnes ont donc embarqué pour Washington. A l’aéroport international OR Tambo de Johannesburg, plus d’une douzaine de familles, parfois accompagnées d’enfants en bas âge, ont été aperçues enregistrant leurs bagages pour un vol charter affrété par le département d’Etat américain.
Ce groupe constitue la première vague d’un programme d’accueil de réfugiés mis en place par l’administration Trump, qui affirme que ces individus fuient des persécutions raciales en Afrique du Sud. Le vol, affrété spécialement depuis Johannesburg, a transité par Dakar avant d’atteindre les États-Unis. Une opération hautement symbolique et politiquement sensible, qui suscite de vives critiques à l’échelle internationale.
Derrière cette opération, le président américain Donald Trump entend dénoncer ce qu’il qualifie de « discrimination raciale » contre les Afrikaners, descendants des premiers colons européens en Afrique du Sud. Il accuse le gouvernement sud-africain de mener des politiques hostiles envers cette minorité blanche, notamment en matière de réforme agraire.
Pretoria, de son côté, réfute fermement ces accusations, dénonçant une « ingérence » dans ses affaires internes. Le ministère sud-africain des Relations intérieures affirme que « les allégations de discrimination sont infondées » et qualifie ce programme américain de « manœuvre politique destinée à remettre en question la démocratie sud-africaine ».
L’arrivée aux États-Unis de 49 Afrikaners sud-africains, accueillis comme réfugiés sous un programme initié par l’administration Trump, ravive les tensions autour des migrations sélectives et des accusations de discrimination raciale en Afrique du Sud. Une opération politiquement explosive qui heurte Pretoria et divise la communauté internationale.
La décision d’accueillir ces 49 réfugiés blancs s’inscrit dans une politique migratoire très sélective conduite par l’administration Trump, qui a largement fermé les portes à des populations fuyant la guerre ou la famine, notamment au Soudan ou en Somalie.
Les organisations de défense des droits humains dénoncent une politique discriminatoire, soulignant que les Afrikaners ne sont pas en danger réel. Des observateurs rappellent par ailleurs que cette communauté a longtemps dominé le pays sous le régime de l’apartheid, et que sa situation économique reste bien plus favorable que celle de la majorité noire sud-africaine.
Le débat autour de la situation des Afrikaners s’inscrit dans un contexte complexe en Afrique du Sud, où les inégalités héritées de l’apartheid persistent. Si les Afrikaners ne représentent plus qu’environ 7 % de la population, ils détiennent encore plus de 70 % des terres agricoles, selon les chiffres officiels.
Les réformes agraires engagées par le gouvernement visent à corriger ces déséquilibres, mais nourrissent également un sentiment d’injustice au sein de certains groupes blancs. Ce ressentiment est aujourd’hui instrumentalisé sur la scène internationale, au risque d’alimenter des tensions déjà vives.
Cette première vague n’est qu’un début. Il y a un « effort de réinstallation à plus grande échelle », soutenu par des aides matérielles pour l’installation de ces réfugiés, logement, nourriture, vêtements, aux États-Unis. Cette initiative marque un tournant idéologique dans la politique américaine d’accueil des réfugiés, et soulève des questions profondes sur les critères de protection internationale et sur la manière dont les priorités géopolitiques influencent la gestion des migrations.
Pour Donald Trump, dont le discours en matière d’immigration est d’ordinaire très restrictif, l’accueil des Afrikaners semble répondre à des considérations idéologiques et électorales, s’inscrivant dans une rhétorique valorisant la protection des « minorités européennes persécutées ».
Du côté sud-africain, cette polémique vient raviver les tensions autour de la réforme foncière, qui divise profondément la société, entre impératif de justice historique et crainte des débordements.
Par Guylain Gustave Moke