La proposition de l’ANC de former un gouvernement d’unité nationale, après son revers électoral, a été fraîchement accueillie vendredi par les possibles partenaires et rejetée à ce stade par le parti EFF, élu sur un programme de redistribution des terres et quatrième force politique du pays.
Le Congrès national africain (ANC) a obtenu seulement 40% des voix, son score le plus faible aux législatives la semaine dernière, et pour la première fois de son histoire, il a besoin de l’appui d’autres groupes pour gouverner. Après des discussions marathon de l’ANC jeudi, le président Cyril Ramaphosa a déclaré vouloir s’associer à une large partie de l’opposition, de l’extrême droite à l’extrême gauche.
M. Ramaphosa a précisé que l’ANC avait mené des entretiens avec l’EFF, mais aussi le parti nationaliste zoulou Inkhata (IFP), le premier parti d’opposition l’Alliance démocratique (DA, centre libéral) ou encore l’Alliance patriotique (PA) anti-immigrés. L’EFF, qui a remporté 39 sièges de députés en soutenant la redistribution des terres et la nationalisation de secteurs économiques clés, est aux antipodes de la DA, qui a obtenu 87 sièges sur la base d’un programme libéral.
La formation d’un tel gouvernement n’est pas sans défis. Les divergences idéologiques et politiques entre les différents partis pourraient rendre la collaboration complexe.
Leader des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), Julius Malema a semblé rejeter l’idée. “Nous ne pouvons pas partager le pouvoir avec l’ennemi”, a-t-il twitté. “Vous ne pouvez pas dicter la marche à suivre comme si vous aviez gagné les élections. Nous ne sommes pas désespérés” et prêts à n’importe quoi, a-t-il ajouté. L’ANC ne disposera que de 159 membres à l’Assemblée nationale de 400 sièges, contre 230 dans le Parlement sortant.
L’IFP, qui compte 17 sièges, affirmait n’être pas “en principe” opposé à une coalition. Mais “le diable est dans les détails, qui deviendront plus clairs dans les jours à venir”. L’Alliance patriotique, avec ses neuf sièges, a confié à l’AFP garder “l’esprit ouvert”. La DA ne s’est pas encore publiquement exprimé.
Ce gouvernement d’union nationale n’est pas une première en Afrique du Sud. Il s’inspire du gouvernement d’union formé par Nelson Mandela après la fin de l’apartheid en 1994, qui incluait alors des partis rivaux comme l’Inkatha Freedom Party et le Parti national. Cette expérience avait permis de jeter les bases d’une transition pacifique vers une démocratie multiraciale. Cependant, il reste à voir si ce modèle pourra de nouveau fonctionner dans le contexte politique actuel, beaucoup plus fragmenté.
Le temps presse pour l’ANC et les autres partis. Le parlement nouvellement élu doit se réunir dans les deux semaines suivant la proclamation des résultats électoraux, l’une de ses premières tâches étant l’élection du président. Cette contrainte constitutionnelle met une pression supplémentaire sur les négociations en cours. Ramaphosa et son équipe devront rapidement convaincre les autres partis du bien-fondé de cette unité pour éviter une impasse politique.
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