Une cinquantaine de dirigeants africains sont reçus à Pékin pour le Forum sur la coopération sino-africaine, qui s’ouvre mercredi.
Les bannières « Ensemble pour un avenir meilleur » ont été installées tous les 20 mètres sur les grandes artères de Pékin, tandis que la police armée du peuple veille sur les ponts. La Chine n’a rien laissé au hasard pour le plus important événement diplomatique qu’elle ait organisé depuis la fin de la pandémie de Covid-19 : le Forum de la coopération sino-africaine (Focac), son grand rendez-vous trisannuel avec l’Afrique, un continent qu’elle juge comme un allié indispensable pour refondre un ordre international trop imprégné à ses yeux des valeurs occidentales.
Le Nigérian Bola Tinubu, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Congolais Félix Tshisekedi… Un nombre impressionnant de chefs d’Etat ont fait le déplacement à Pékin. Ils doivent être accueillis lors d’un grand banquet au Palais du peuple, mercredi 4 septembre, avant un discours solennel du président chinois le lendemain.
De cet événement, la Chine espère afficher un message d’unité et montrer qu’elle est suivie dans sa lutte pour redéfinir les priorités internationales. A l’heure où les Etats-Unis assument de plus en plus explicitement une politique de blocage des transferts de puces électroniques et de composants de haute technologie vers leur principal concurrent stratégique, et où l’Europe érige des barrières douanières à l’encontre de ses produits, la Chine veut souligner qu’elle partage avec le continent africain le combat pour se faire accepter à sa juste place.
« Le monde connaît des transformations profondes, portées par l’ascension du Sud global », a souligné mardi devant la presse le représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires africaines, Liu Yuxi. « Notre histoire ne retournera pas aux vieux jours du colonialisme », a-t-il assuré, dénonçant également la « montée de la mentalité de guerre froide ».
Depuis plusieurs décennies, la Chine s’est imposée comme un partenaire commercial incontournable pour l’Afrique. Grâce à des investissements massifs, notamment dans les infrastructures, et à des accords commerciaux avantageux, Pékin a réussi à tisser des liens économiques étroits avec de nombreux pays africains. Cette dynamique s’est encore accentuée au cours des dernières années, notamment à travers l’initiative « Belt and Road » qui a consolidé la position de la Chine comme principal acteur du développement sur le continent.
Les chiffres récents publiés par l’administration générale de la douane chinoise révèlent une augmentation de 5,5% des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique durant les sept premiers mois de 2024, atteignant un volume total de 166,3 milliards de dollars.
Cependant, cette croissance cache un déséquilibre persistant dans la balance commerciale, largement en faveur de la Chine. Les exportations chinoises vers l’Afrique se sont élevées à 97,6 milliards de dollars, tandis que les importations africaines n’ont atteint que 68,7 milliards de dollars.
Malgré les efforts de Pékin pour rééquilibrer les échanges, notamment à travers la suppression des droits de douane sur 98 % des produits importés de 21 pays africains depuis 2022, l’écart reste significatif. Ce déséquilibre chronique pose des questions sur la viabilité à long terme de cette relation commerciale.
Une analyse plus approfondie des flux commerciaux met en lumière la prédominance des biens intermédiaires, qui représentent 68% de la valeur totale des échanges bilatéraux. Ces produits, qui sont destinés à être transformés ou intégrés dans la fabrication d’autres biens, sont essentiels aux chaînes de valeur mondiales. Ce constat reflète l’interdépendance croissante entre les économies chinoise et africaines, mais aussi la difficulté pour l’Afrique de monter en gamme dans ces chaînes de production.
Les exportations chinoises vers l’Afrique sont majoritairement composées de produits manufacturés à forte valeur ajoutée, tels que les textiles, les machines et les équipements électroniques. En revanche, les importations africaines sont dominées par des matières premières, notamment le pétrole, le cuivre, le cobalt et le minerai de fer. Cette asymétrie soulève des préoccupations quant à la capacité de l’Afrique à développer son secteur industriel de manière durable.
La progression des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique est indéniablement positive sur le plan économique. Toutefois, elle masque des défis structurels importants. Le déséquilibre persistant de la balance commerciale en faveur de la Chine renforce la dépendance économique du continent africain vis-à -vis de Pékin. De plus, la concentration des exportations africaines sur les matières premières rend les économies du continent vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux.
Malgré ces défis, cette relation commerciale dynamique offre également des opportunités. Les investissements chinois dans les infrastructures et le transfert de technologies pourraient être des leviers pour l’industrialisation de l’Afrique. Le véritable défi pour les pays africains sera de tirer parti de ces échanges pour diversifier leurs économies et renforcer leur position dans les chaînes de valeur mondiales.
Par Guylain Gustave Moke