L’ancien président zimbabwéen Robert Mugabe, héros de l’indépendance qui a dirigé d’une main de fer son pays de 1980 à 2017, est décédé à 95 ans, suscitant une pluie d’hommages de pays africains. L’un des derniers “pères de l’indépendance” en Afrique, dont la santé était très fragile, est mort à Singapour, où il était régulièrement soigné,
Né le 21 février 1924 dans la mission catholique de Kutama (centre), Robert Gabriel Mugabe est décrit comme un enfant solitaire et studieux, qui surveille son bétail un livre à la main.
Il caresse un temps l’idée de devenir prêtre. Il sera enseignant.
Séduit par le marxisme, il découvre la politique à l’université de Fort Hare, la seule ouverte aux Noirs dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. En 1960, il s’engage dans la lutte contre le pouvoir rhodésien, blanc et ségrégationniste.
Arrêté quatre ans plus tard, il passe dix années en détention, qui lui laissent un goût amer: les autorités lui refusent d’assister aux obsèques du fils de quatre ans qu’a eu sa première femme, Sally Hayfron, morte en 1992.
Peu après sa libération, il trouve refuge au Mozambique voisin, d’où il prend la tête de la lutte armée jusqu’à l’indépendance de son pays et son arrivée au pouvoir.
Robert Mugabe avait pris les rênes de l’ex-Rhodésie, devenue indépendante, en 1980.Â
Pendant son règne de trente-sept ans à la tête du Zimbabwe, l’un des plus longs sur le continent africain, il est passé du statut de  père de l’indépendance et ami de l’Occident à celui de tyran qui a provoqué l’effondrement économique de son pays.
Accueilli en libérateur en 1980, sa politique de réconciliation, au nom de l’unité du pays, lui vaut des louanges générales, notamment dans les capitales étrangères. Mais rapidement, le héros a la main lourde contre ses opposants.
Sa politique de réconciliation, au nom de l’unité du pays, lui vaut des louanges générales, particulièrement dans les capitales étrangères. “Vous étiez mes ennemis hier, vous êtes maintenant mes amis”, lance l’ex-chef de la guérilla.
Il offre des postes ministériels clés à des Blancs et autorise même leur chef, Ian Smith, à rester au pays. Bardé de diplômes, le révolutionnaire Mugabe apparaît comme un dirigeant modèle. En dix ans, le pays progresse à pas de géant: construction d’écoles, de centres de santé et de nouveaux logements pour la majorité noire.
Dès 1982, il envoie l’armée dans la province “dissidente” du Matabeleland (sud-ouest), terre des Ndebele et de son ancien allié pendant la guerre, Joshua Nkomo. La répression, brutale, fait environ 20.000 morts.
Ses abus contre l’opposition, des fraudes électorales et surtout sa violente réforme agraire lancée en 2000 lui valent les condamnations de l’Occident. Cette réforme a précipité le pays, ancien grenier à céréales de l’Afrique australe, dans une terrible crise économique et financière dans laquelle il est toujours plongé.
Dans des diatribes anti-impérialistes au vitriol, Robert Mugabe rend l’Occident responsable de tous les maux de son pays, notamment sa ruine financière, et rejette toutes les accusations de dérive autoritaire.
Dans les dernières années de sa vie, il balaie de la même façon les spéculations sur son état de santé. La rumeur le dit atteint d’un cancer, son entourage explique ses fréquents séjours à Singapour par le traitement d’une cataracte.
Malgré ces assurances, sa santé décline. En 2015, il est surpris à prononcer le même discours à un mois d’intervalle. Les photos de ses siestes pendant les réunions internationales n’en finissent plus de faire rire la planète.
Incarnation jusqu’à la caricature du despote africain prêt à tout pour prolonger son règne, il promet pourtant de fêter ses 100 ans au pouvoir. Il ne tiendra pas parole.
En octobre 2017, il limoge son vice-président Emmerson Mnangagwa, sous la pression de son influente et ambitieuse épouse Grace qui s’invite dans la course à sa succession. C’est l’erreur fatale. L’armée le lâche. Son parti, la Zanu-PF, et la rue également.
Fin 2017, à la suite d’un coup de force de l’armée soutenu par son parti, la Zanu-PF, le plus vieux chef de l’Etat en exercice de la planète à l’époque est alors contraint de démissionner.
Il a été remplacé à la tête du pays par son ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, qu’il avait limogé peu de temps auparavant.
Habitué des formules choc, souvent provocatrices, Robert Mugabe a souvent déclenché l’indignation de ses détracteurs ainsi que les applaudissements de ses partisans.
Depuis sa démission humiliante, le vieil homme à la santé fragile avait fait de très rares apparitions publiques. Selon la presse locale, il a effectué de nombreux séjours médicaux au Singapour, où il allait régulièrement depuis plusieurs années.
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