La famille de l’ancien président du Zimbabwe Robert Mugabe a annoncé jeudi qu’il serait enterré en début de semaine prochaine dans l’intimité de son village, épilogue de plusieurs jours de tensions entre une partie de ses proches et le gouvernement.
Le “héros” de l’indépendance de l’ex-colonie britannique devenu tyran s’est éteint vendredi à l’âge de 95 ans dans un hôpital de luxe de Singapour où il venait se faire soigner depuis des années.
Sa dépouille a été rapatriée en grande pompe mercredi à Harare pour plusieurs jours d’hommages, dont des funérailles nationales samedi dans l’immense stade national des sports de la capitale en présence de la plupart des chefs d’Etat africains.
Après plusieurs jours d’incertitude, un de ses neveux a finalement annoncé jeudi matin que Robert Mugabe reposerait dans son village, contre la volonté des autorités.
“Son corps sera exposé à Kutama (son village) dimanche soir et il sera enterré dans l’intimité lundi ou mardi. Il n’ira pas au Champ national des héros”, a annoncé Leo Mugabe.
“C’est la décision prise par la famille”, a-t-il tranché.
Depuis la mort de Robert Mugabe, le lieu de l’enterrement faisait l’objet de délicates tractations.
Le gouvernement de son successeur Emmerson Mnangagwa, qui en a fait un “héros national”, souhaitait qu’il soit inhumé dans le “Champ des héros de la Nation”, un monument en lisière de la capitale où reposent les “combattants de la guerre de libération”.
Mais une partie de sa famille et les chefs traditionnels préféraient qu’il repose dans le village de Kutama, dans le district de Zvimba à une centaine de kilomètres de Harare, où le défunt possède une maison.
Ce discret bras de fer a illustré les tensions qui opposent l’ex-président et sa famille à M. Mnangagwa, que Robert Mugabe avait publiquement qualifié de “traitre”.
En novembre 2017, l’armée l’avait poussé vers la sortie après sa décision de limoger M. Mnangagwa, alors vice-président, sur l’insistance de son épouse Grace Mugabe. Soutenue par une frange du parti au pouvoir, l’ex-Première dame convoitait alors ouvertement la succession de son nonagénaire de mari.
– Défilé sous le “Toit bleu’ –
Deux ans plus tard, l’entourage proche du défunt voue encore une rancune tenace aux généraux et aux dignitaires du parti au pouvoir, la Zanu-PF, qui l’ont lâché.
“S’ils estimaient que Grace avait dépassé les bornes, ils auraient dû traiter le problème avec respect”, a confié une des tantes de Robert Mugabe, Joséphine Jaricha. “Ils auraient dû tenir compte de toutes les années où ils ont été si proches et non pas le poignarder dans le dos”, a ajouté la septuagénaire.
Jeudi matin, dignitaires et simple Zimbabwéens ont commencé à défiler devant la dépouille de Robert Mugabe, exposée dans sa luxueuse résidence de la capitale, le fameux “Toit bleu”.
Au milieu des dirigeants du parti au pouvoir, des militaires et des membres du gouvernement, le chef de l’opposition Nelson Chamisa y est lui aussi allé de son hommage.
“Nous avions des différences, mais au-delà de ces différences politiques nous devons reconnaître sa contribution”, a déclaré le président du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), en souhaitant “un départ décent et apaisé”.
Robert Mugabe a laissé derrière lui un pays meurtri par la répression, aussi violente qu’implacable contre ses adversaires, et ruiné par une interminable crise économique et financière.
Le président Emmerson Mnangagwa devait lui-même venir dans la matinée s’incliner devant la dépouille de son prédécesseur.
A son arrivée mercredi à l’aéroport, le chef de l’Etat avait salué le “père fondateur de la nation”. “La lumière qui nous a conduits à l’indépendance n’est plus mais son ½uvre, ses idées continueront à guider cette Nation”, avait-t-il ajouté.
Le cercueil de Robert Mugabe doit être ensuite conduit au stade Rufaro, dans la banlieue de Harare, pour permettre à la population de “rendre hommage à l’illustre héros de la guerre de libération”, selon la ministre de l’Information, Monica Mutsvangwa.
C’est dans ce stade que Robert Mugabe avait, le 18 avril 1980, pris les rênes de l’ancienne Rhodésie sous domination blanche des mains de son ancien dirigeant blanc, Ian Smith.
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