Les pays de l’UE ont reconnu mardi être encore loin d’un compromis pour débloquer la réforme enlisée depuis deux ans du système d’asile européen, dans un climat politique encore alourdi par l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement populiste en Italie.
Les ministres de l’Intérieur européens, réunis à Luxembourg, n’ont pas caché leur pessimisme malgré la proposition de compromis mise sur la table par la présidence bulgare de l’UE, censée tenir compte des aspirations contradictoires des différents Etats membres.
Trois ans après le pic des requêtes d’asile dans l’UE, avec 1,26 million de demandes en 2015, les arrivées ont nettement baissé sur les côtes européennes. Mais les Européens n’ont pas encore réussi à réformer le “Règlement Dublin” pour éviter que la charge de l’asile ne continue de peser de manière démesurée sur les pays en première ligne pour les arrivées .Â
Plusieurs pays de l’Est, la Pologne et la Hongrie en tête, restent catégoriquement opposés à toute mesure proche des quotas de répartition de demandeurs d’asile qui ont tant divisé l’UE de 2015 à 2017. Mais pour d’autres, comme l’Italie et la Grèce, une répartition équitable de l’accueil est indispensable.
“Nous avons besoin d’un compromis”, a estimé mardi devant la presse la ministre suédoise aux migrations Hélène Fritzon. Mais “il y a un climat politique plus dur aujourd’hui” qui complique la donne, a-t-elle ajouté, faisant référence notamment au nouveau gouvernement au pouvoir en Italie.
Le nouveau ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), qui n’a pas fait le déplacement à Luxembourg, a prévenu dimanche que l’Italie et la Sicile “ne peuvent être le camp de réfugiés de l’Europe”, manifestant son hostilité face à l’état actuel des discussions sur la réforme de l’asile.
– ‘Inacceptable’ –
“On va voir comment l’Italie se positionne”, a déclaré le secrétaire d’Etat allemand Stephan Mayer. Mais “dans d’autres pays, il y a une opposition encore plus forte”, a-t-il souligné, citant le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) et les pays du sud de l’Europe.
“Même le gouvernement allemand critique des points spécifiques de l’état actuel de la négociation”, a-t-il ajouté, jugeant “inacceptable” à ce stade la proposition de compromis mise sur la table par la présidence bulgare de l’UE après des mois de travaux.
Des mesures de répartition des demandeurs d’asile dans l’UE figurent bien dans ce texte, comme le réclament Rome et Athènes. Et ce malgré l’opposition frontale de Varsovie et Budapest, jugeant intolérable d’être obligés d’accueillir des étrangers et soulignant que les quotas controversés instaurés en 2015 pour deux ans n’ont abouti qu’à moins d’un quart des 160.000 “relocalisations” visées au départ.
Dans la proposition bulgare, des “relocalisations” obligatoires n’interviendraient toutefois qu’en dernier recours, si de premières mesures de soutien financier et technique, qui seraient déclenchées automatiquement en période de crise, ne suffisaient pas. Un vote à la “majorité qualifiée” des Etats membres serait alors nécessaire.
Cela reste trop pour les pays de Visegrad, soutenus notamment par Vienne, et pas assez pour les pays qui réclament, à l’instar du Parlement européen, que l’accueil soit partagé de manière permanente et pas seulement en période de crise.
L’Allemagne défend sur ce point comme la France une position proche de celle de la Commission: la responsabilité d’une demande d’asile devrait rester principalement celle des pays de première entrée, sauf en période de crise, où il devrait y avoir des “relocalisations” obligatoires parmi les mesures de “solidarité”.
– ‘Pas la fin du monde’ –
Le compromis proposé par la Bulgarie durcit par ailleurs les contraintes des pays d’arrivée pour l’enregistrement des arrivants. Une fois fixée, la responsabilité du traitement d’une demande d’asile demeurerait pendant huit ans, une durée jugée trop longue par les pays du Sud et trop courte par d’autres, dont l’Allemagne, soucieux de dissuader les “mouvements secondaires” des demandeurs d’asile entre pays de l’UE.
Les Etats membres s’étaient fixé le sommet européen du 28-29 juin à Bruxelles pour trouver un consensus sur la réforme de l’asile. Mais il faudra peut-être “quelques semaines de plus”, a admis dimanche la chancelière allemande Angela Merkel.
“Si nous devons repousser de quelques semaines, ce n’est pas la fin du monde”, a estimé mardi à Luxembourg le commissaire en charge des migrations, Dimitris Avramopoulos, deux ans après la présentation de la proposition de réforme.
Afrique Diplo