Hier jeudi, le Conseil national de transition (CNT), organe législatif du Tchad, a voté une loi d’amnistie générale au profit de toutes les personnes impliquées dans les violences du 20 octobre 2022.
145 voix pour soit 92.4%, 6 contre soit 3.8%, 2 abstentions soit 1.3% et 4 non-votants. Voilà le résultat du vote de la loi d’amnistie générale proposée par le gouvernement tchadien. Cette loi vise à absoudre toutes les personnes civiles ou militaires impliquées dans les violences perpétrées lors des manifestations du 20 octobre 2022 organisées par l’opposition pour protester contre la prorogation de deux ans de la Transition dirigée par le général Mahamat Idriss Déby.
Un véritable massacre eut lieu ce jour. Le gouvernement parle de 73 morts tandis que les ONG et l’opposition indiquent un chiffre beaucoup plus élevé : 300 morts au moins. Dans le cadre de cette affaire, la justice poursuit des dizaines de Tchadiens et en a même déjà condamné certains. D’autres ont pris le chemin de l’exil.
Le gouvernement tchadien a proposé et obtenu le vote de cette loi d’amnistie au nom de la réconciliation nationale très chère au général Mahamat Idriss Déby. C’est d’ailleurs au nom de cette réconciliation nationale qu’un accord a été signé, il y a quelques jours, à Kinshasa entre le chef de l’opposition, Succès Masra, et le gouvernement, sous l’égide de Félix Tshisekedi. Lequel accord avait permis le retour de l’opposant après une année d’exil.
Désormais, le Tchad est prêt pour le retour de ses autres fils encore loin du pays à cause des événements du 20 octobre. « Après le vote de ce projet de loi, tous ceux qui sont dans la diaspora ou pour qui leur problème est lié à l’événement du 20 octobre 2022 peuvent rentrer sans crainte aucune », a rassuré le ministre tchadien de la Justice, chargé des droits humains, Mahamat Ahmad Alhabo.
La loi d’amnistie votée par le CNT ne fait pas le bonheur de tout le monde. Bien avant son adoption, de nombreuses voix s’élevaient pour dénoncer le projet. Il y a notamment les organisations non représentées au CNT comme la plateforme Wakit Tama, la ligue tchadienne des droits de l’homme ou encore des partis politiques de l’opposition. Ces organisations craignent que les militaires ayant tiré sur des civils non armés échappent à la justice de ce fait, et que règne « l’impunité ».
« C’est triste cette histoire d’amnistie. Donc comme ça, on doit oublier qu’il y a eu des crimes au Tchad, le 20 octobre 2022 et puis on tourne la page ? Nous exigeons de l’État la réparation des victimes et la poursuite des auteurs de ces crimes. Cette impunité ne passera pas », s’indigne Bertrand qui a passé plusieurs mois en prison à cause de la manifestation du 20 octobre 2022, avant de bénéficier d’une grâce présidentielle, en mars dernier.
Position similaire chez le porte-parole de Wakit Tama, l’avocat Max Loalngar, toujours en exil, depuis la répression. « L’initiation de cette amnistie consacre purement et simplement l’impunité qui a déjà cours dans notre pays avec une acuité indéniable. Compte tenu de l’ampleur des massacres qui ont eu lieu ce 20 octobre 2022, on ne saurait soutenir une amnistie qui doit intervenir sans qu’on ait identifié au préalable les criminels, sans que la justice n’ait été mise en branle, de manière à déterminer très clairement les responsabilités et à nous faire savoir l’ampleur du désastre du 20 octobre 2022 », a-t-il déclaré.
Face aux ressentiments des victimes ou parents de victimes de la répression, le gouvernement tempère en rappelant que la fin des poursuites pénales n’enlève pas aux proches de victimes le droit d’intenter des actions devant la justice civile. Mieux, la possibilité que le gouvernement indemnise les victimes ou leurs proches existe également.
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