C’est du haut de son piédestal que le Président du Sénégal, Macky Sall, amorce une chute des plus vertigineuses. Jusque-là , tous les plans qu’il a mis en œuvre ont bien fonctionné, sauf ce dernier qui consacre sa chute et grève dangereusement sa crédibilité.
En tant que citoyen lambda, l’on est amené à se poser la question de savoir qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête de Macky Sall, pour qu’il tente un saut aussi périlleux. Depuis 2012, année durant laquelle il a pris le pouvoir, Macky Sall, en bon être humain, avec une œuvre qui n’est donc pas parfaite, a su, malgré certains agissements et propos peu orthodoxes, garder une certaine crédibilité. Dans son pays comme à l’international. Une crédibilité qui avait fait de lui l’un des chefs d’État les plus écoutés et les plus respectés sur le continent.
Le seul fait de diriger le Sénégal, un pays ancré dans une tradition de démocratie connue de tous, mérite respect. Macky Sall est donc venu au pouvoir crédité de notes positives. Il a donc eu ce privilège, fruit d’un travail de longue haleine. Ce, après des passages de témoin soft entre les différents dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays. Là où plusieurs pays de la région, en mauvais élèves, ont du mal à assimiler leurs leçons de démocratie. D’abord Léopold Senghor qui, après 20 ans, passe le témoin à Abdou Diouf. Ensuite la venue d’Abdoulaye Wade au pouvoir, en 2000, après avoir battu Abdou Diouf aux élections.
En 2012, grâce à cette démocratie, Macky Sall a accédé au pouvoir, après avoir vaincu Abdoulaye Wade, son ancien mentor. Douze ans durant, l’enfant de Fatick aura gardé son image quasi-intacte, malgré quelques doutes sur ses intentions. En effet, Macky Sall maintenait le flou avec son fameux « ni oui ni non », s’agissant d’une troisième candidature. Et comme l’écrivait mon collaborateur Serge Ouitona, Macky Sall décidait sagement de se placer du bon côté de l’histoire. En juillet dernier, son « ni oui ni non » avait, en effet, fini par devenir un « non » catégorique.
La page était tournée, Macky Sall ayant promis d’organiser des élections libres et transparentes, sans y prendre part. Les Sénégalais et le monde entier avaient acclamé cette décision plutôt sage du dirigeant sénégalais. Il s’agissait là d’une prise de hauteur de la part de Macky Sall. Ce, après plusieurs années passées à surfer sur une incertitude. Macky Sall venait de donner un coup de lustre à son image. D’ailleurs, il sera rehaussé par le Président français Emmanuel Macron. En effet, le dirigeant français l’a nommé, fin novembre 2023, au poste d’Envoyé spécial et président du comité de suivi du Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P).
Durant son magistère, Macky Sall a su se forger une certaine personnalité. Avec brio, il a dirigé l’Union Africaine et porté la voix du continent auprès des instances internationales. Jusqu’à il y a une semaine, le dirigeant marchait la tête haute. Mais depuis qu’il s’est offert un « mandat cadeau », le chef de l’État sénégalais est obligé de raser les murs. Macky Sall est attaqué, tancé, réprimandé et honni de toutes parts. Dans son propre pays certes, mais aussi à l’international. L’ancien donneur de leçons, notamment sur la démocratie, mot qu’il aimait bien employer vantant les mérites du Sénégal, est aujourd’hui tancé, recadré.
Les États-Unis et la France ont fait part de leur préoccupation face à la situation qui prévaut au Sénégal, depuis le report de la Présidentielle. Même la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest se permet aujourd’hui de toiser Macky Sall. Une institution au sein de laquelle il faisait pourtant partie des dirigeants les plus respectés. Aujourd’hui, un Alassane Ouattara qui a fait sauter des verrous démocratiques pour arracher un troisième mandat, ou un Faure Gnassingé, héritier du pouvoir de son père Eyadema, s’érigent en donneurs de leçon au Sénégal.
D’autres dirigeants africains, comme le papy camerounais Paul Biya ou le doyen congolais Denis Sassou N’Guesso, sont certainement assis dans leur salon, blottis contre leur moelleux fauteuil, en train d’éclater de rire. Se disant certainement : ‘Tiens-tiens, ce gosse donneur de leçon commence à comprendre ce que c’est que prendre goût du pouvoir ». Oui, Macky Sall, en forçant un report de l’élection présidentielle, semble s’accrocher au pouvoir contre la volonté de démocratie de son peuple. Aujourd’hui, par sa faute, le Sénégal est devenu un ancien pays de démocratie, à la risée de tous.
En tous les cas, en se mettant toute une planète à dos, c’est bien sa descente aux enfers que Macky Sall vient d’amorcer. Une véritable chute libre enclenchée avec son image complètement écornée. Surtout qu’il vient de perdre toute sa liberté. Car aujourd’hui, avec sa nouvelle posture, le chef de l’État sénégalais n’est plus le bienvenu dans plusieurs pays où il était accueilli avec le tapis rouge. Le Président au verbe fort n’a, malheureusement, plus droit à la parole. Surtout au sein de la CEDEAO où il est tenu par le collet. Il devra garder le silence, sachant que tout ce qu’il dira pourra être retenu contre lui. Déjà que son ardoise est très salée !
AfriqueDiplo