Le Conseil de sécurité de l’ONU est appelé le 25 avril à renouveler pour un an sa mission d’observation du cessez-le-feu au Sahara occidental, entre le Maroc et le Polisario, sur fond de tensions liées à une volonté attribuée au mouvement sahraoui de rompre le statu quo.
Le Front Polisario indépendantiste réclame un référendum d’autodétermination pour cette étendue désertique de 266.000 km2, seul territoire du continent africain au statut post-colonial non réglé. Le Maroc rejette toute solution autre qu’une autonomie sous sa souveraineté.
“Si le Conseil de sécurité suit le Maroc, il n’y a plus rien à négocier”, affirme à la radio RFI Emhamed Khadad, coordinateur du Front Polisario auprès de la mission Minurso de l’ONU.Â
“Il doit pousser le Maroc à s’asseoir à la table de négociations”. “Le Maroc ne veut discuter que d’autonomie alors que ce qui est en jeu, c’est la souveraineté”, dénonce-t-il.
“Discuter avec un pion, ca ne sert à rien et on ne veut plus se prêter à cette comédie”, rétorque l’ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU, Omar Hilale. “L’Algérie doit jouer son rôle et venir à la table de négociations”, souligne-t-il.
Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, avait aussi récemment appelé Alger à la discussion, en faisant valoir que “l’Algérie finance, abrite, arme et soutient diplomatiquement le Polisario”.
Mais Alger refuse de prendre part à des négociations directes. “L’Algérie soutient les droits légitimes du peuple sahraoui”, mais le conflit au Sahara occidental n’est “pas une affaire entre l’Algérie et le Maroc”, a fait valoir début avril le chef de la diplomatie algérienne, Abdelkader Messahel. “C’est une affaire entre le Maroc et le peuple sahraoui” et “entre le Maroc et les décisions des Nations unies”, a-t-il ajouté.
Le Maroc a pris en 1975 le contrôle de la majeure partie du Sahara occidental au départ de la puissance colonisatrice espagnole. Le Polisario, qui luttait contre la domination espagnole, y a proclamé en 1976 une République arabe sahraouie démocratique (RASD) et combattu les troupes marocaines, jusqu’au cessez-le-feu conclu en 1991 sous l’égide de l’ONU.
– “Chat et souris” –
Les dernières négociations remontent à 2012. Après des années d’impasse, l’ONU s’est doté en août d’un nouvel émissaire, l’ex-président allemand Horst Koehler. Au début de l’année, ce dernier a rencontré les trois parties et promis au Conseil de sécurité – sans échéance – une reprise des négociations courant 2018.
La mission d’observation de la Minurso est réduite: environ 400 personnels et quelques postes d’observation pour un budget annuel de 52 millions de dollars. Grâce à elle, aucun coup de feu n’a été tiré depuis 27 ans, se félicitent toutes les parties.
Au cours des dernières semaines, le Maroc s’est insurgé contre des velléités attribuées au Polisario de vouloir changer la donne sur le terrain. Sans mouvement de troupes, “il y a eu des constructions”, “des installations” dans une zone tampon en “violation” des engagements, a affirmé Rabat. En citant notamment une école d’entrainement militaire, un hôpital militaire, le déplacement d’institutions sahraouies…
Le Polisario a démenti toute violation des accords, soulignant que ses personnels restaient à des dizaines de kilomètres de la ligne de séparation.
“C’est le jeu du chat et la souris”, souligne-t-on de source marocaine, en espérant que la résolution renouvelant la Minurso inclura une mise en garde contre toute provocation du Polisario mettant en cause le statu quo. Le Maroc a menacé de recourir aux armes contre le Front “si le Conseil de sécurité n’assume pas ses responsabilités”.
Pour preuve de sa bonne volonté, Rabat assure avoir engagé des investissements au Sahara à hauteur de 8 milliards de dollars (autoroute, université, ports, aéroports, énergie solaire, hôpitaux…).
Après le renouvellement de la Minurso, “il reviendra à Horst Koehler de trouver le bon cadre” pour une reprise des négociations, estime sous couvert d’anonymat un diplomate d’un pays membre du Conseil de sécurité.
Rédacteurs de la résolution, les Etats-Unis ont montré leur projet à certains pays, mais le Conseil de sécurité dans son ensemble ne devrait en être saisi que peu avant une mise au vote.
Par Jennifer Birich