
Le rapprochement entre Paris et Rabat se dessine au prix d’un abandon des principes fondamentaux, la question sahraouie semble servir de monnaie d’échange. La France franchit un pas inédit en se déclarant prête à investir au Sahara, irritant de facto en Algérie.
La France vient de décider d’investir au Sahara. Ni le statut juridique de territoire sahraoui, encore moins la lutte du peuple sahraoui pour son indépendance ne semblent freiner la France, ancienne puissance coloniale qui s’allie ainsi au Maroc. Après une période de tensions, la France et le Maroc renouent leurs liens, scellant un pacte économique au mépris du droit international. Un accord qui ne va point plaire en Algérie.
Paris et Rabat unissent leurs forces pour investir dans un territoire dont le statut est contesté et où un peuple se bat pour son autodétermination. Franck Riester, ministre français du Commerce extérieur, a ouvertement déclaré que de la France est prête à investir aux côtés du Maroc au Sahara occidental. En guise de justification, il invoque des « intérêts communs » et la nécessité de « travailler ensemble ».
Le projet français, d’un montant de 10 millions d’euros, vise à financer des projets dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’agriculture et de l’eau potable. Mais son objectif n’est ni d’apporter une aide à la population locale, ni d’assurer des débouchées pour les entreprises françaises, mais bien de passer un message de soutien au gouvernement marocain. Une avancée dans la droite ligne des dernières prises de position de Stéphane Séjourné, le nouveau ministre français des Affaires étrangères.
Le Maroc a bien évidemment salué la décision française, la qualifiant de « geste positif » pour le développement de la région. Le Front Polisario, quant à lui, a condamné le projet, l’accusant logiquement de « légitimer l’occupation marocaine » du Sahara occidental.
Dans ce sens, l’officiel a proposé l’appui de la France à travers Proparco, filiale de l’Agence française de développement dédiée au secteur privé. Cette collaboration pourrait se traduire par le financement d’une ligne haute tension entre Dakhla et Casablanca. En s’engageant sur cette voie, la France franchit un Rubicon symbolique et apporte un soutien officiel à la position marocaine.
L’appât du gain semble avoir supplanté les valeurs de respect du droit international que la France prétend défendre. Ce revirement de position effectué par Paris n’est en réalité que la suite logique d’une série d’événements récents. La visite au Maroc du ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, en février dernier, avait déjà posé les jalons de ce rapprochement.
Son soutien au plan marocain d’autonomie et ses déclarations sur l’importance de ce dossier pour le Maroc avaient sonné comme un avertissement. Aujourd’hui, la France semble trahir les principes qu’elle est censée défendre. Du côté de l’Algérie, on dénonce une résurgence du passé colonial de la France qui serait prête à sacrifier le droit international pour préserver ses intérêts.
« L’annonce par la France de son intention d’investir et de financer des projets, à travers l’Agence française de développement (AFD), dans les régions sahraouies occupées est une démarche provocatrice », a déclaré le Front Polisario dans un communiqué. Une position forcément partagée par l’Algérie, soutien indéfectible de la branche armée du Sahara Occidental.
Pour le moment aucune déclaration officielle n’a été faite par les autorités algériennes. Mais d’ores et déjà, la presse algérienne a commencé à tirer à boulets rouges sur Paris et Rabat, rappelant le passé colonial de la France et insistant sur la position « d’occupant » du Maroc dépeint comme « le dernier colonisateur en Afrique ».
Certains observateurs estiment que cette action pourrait contribuer à apaiser les tensions en apportant un soutien à la population locale. Mais nombreux sont ceux qui craignent que ce pas ne fasse que conforter le statu quo et à retarder la résolution du conflit.
Le financement de projets au Sahara occidental est un sujet sensible qui touche à des questions de souveraineté, de développement et de droits humains. Ainsi la décision française est susceptible d’alimenter la controverse dans la région pour donner un gage de bonne volonté au Roi Mohammed VI. Mais ce n’est sans doute pas la meilleure décision pour pacifier les tensions dans la région.
Par Guylain Gustave Moke
Analyste Politique/Géopolitique