Le nouveau Premier ministre britannique Boris Johnson est confronté à son premier test dans les urnes jeudi lors d’une élection partielle qui pourrait ramener sa faible majorité parlementaire à seulement une voix, compliquant la mise en oeuvre de sa stratégie pour le Brexit.
Le Parti conservateur au pouvoir, dont Boris Johnson a pris la tête la semaine dernière, pourrait perdre le siège de la circonscription de Brecon et Radnorshire, au Pays de Galles, au profit d’un candidat pro-européen.
Cela fragiliserait le tout nouveau gouvernement qui vient d’annoncer doubler son budget consacré aux préparatifs d’un Brexit sans accord, en leur allouant 2,1 milliards de livres supplémentaires cette année. Cet argent servira à “accélérer les préparations à la frontière, soutenir les préparatifs des entreprises et assurer l’approvisionnement des médicaments essentiels” ainsi qu’à lancer une nouvelle campagne de communication sur le Brexit, a précisé le Trésor britannique.
“Ce gouvernement aurait pu écarter un +no deal+ et dépenser ces milliards pour nos écoles, nos hôpitaux et nos citoyens”, a fustigé John Mcdonnell, ministre des Finances du cabinet fantôme de l’opposition travailliste, dénonçant un “gaspillage” tandis que la travailliste Meg Hillier, présidente du Comité des comptes publics, a appelé à un examen de ces dépenses.
L’opposition ne se situe pas seulement dans les rangs du Labour. Le poids lourd Philip Hammond, ministre des Finances du précédent gouvernement conservateur, a déjà prévenu qu’il ferait tout pour bloquer un “no deal”.
La candidate libérale-démocrate à Brecon, Jane Dodds, en tête des sondages, a, elle, mis en garde contre un plan de Brexit “sans accord” qui frapperait économiquement les fermiers gallois.
L’élection partielle de jeudi suit la destitution du député conservateur Chris Davies, déclenchée par des électeurs comme le permet une procédure introduite en 2015 par l’ancien Premier ministre conservateur David Cameron.
Les électeurs ont sanctionné Chris Davies à la suite de sa condamnation pour fausses déclarations de dépenses.
Estimant avoir fait une erreur, Chris Davies se présente de nouveau. Mais selon l’institut Number Cruncher Politics, le Parti libéral-démocrate devrait l’emporter avec 43% des suffrages, devant les conservateurs (28%), le Parti du Brexit présidé par Nigel Farage (20%) et le Parti travailliste (8%).
Le parti nationaliste gallois et les Verts, tous deux pro-européens, ne présentent pas de candidat, laissant ainsi la voie libre aux libéraux-démocrates pour recueillir les voix europhiles.
Cependant, un autre sondage mené au Pays de Galles par l’institut YouGov a présenté des résultats plus inattendus: les conservateurs bénéficieraient d’un élan soudain, interprété comme un “rebond Boris” selon des analystes.
La circonscription de Brecon et Radnorshire a voté à 52% en faveur d’un divorce avec l’Union européenne lors du référendum sur le Brexit en 2016, dont Boris Johnson est l’un des grands artisans.
Il s’est rendu dans la circonscription mardi pour rencontrer Chris Davies. Il y a exhorté les électeurs à ne pas s’en remettre au Parti du Brexit, formation politique populiste qui a capitalisé sur l’impasse du Brexit pour percer lors des élections européennes en mai avec 31% des suffrages (contre 9% seulement pour les Tories).
“Le Parti du Brexit ne peut pas mettre en oeuvre le Brexit, seuls les conservateurs le peuvent”, a déclaré Boris Johnson, jugeant également que les libéraux-démocrates “feront tout ce qu’ils peuvent pour arrêter le Brexit”.
Le nouveau Premier ministre britannique Boris Johnson a rencontré mercredi les chefs des principaux partis d’Irlande du Nord, où il tente d’apaiser les inquiétudes sur l’avenir de la frontière irlandaise en cas de Brexit sans accord.
Après le Brexit, les 500 kilomètres qui séparent la province britannique d’Irlande du Nord de la République d’Irlande, Etat membre de l’Union européenne, vont devenir la seule frontière terrestre entre l’UE et le Royaume-Uni. Les craintes, des deux côtés, portent sur le retour d’une frontière physique.
Au cours de ses rencontres avec les responsables politiques locaux, M. Johnson a réaffirmé qu'”il n’y aurait en aucun cas de contrôles physiques ou d’infrastructures à la frontière”, a indiqué Downing Street.
Et ce, même en cas de Brexit sans accord et donc même sans le “filet de sécurité” (backstop, en anglais) irlandais prévu dans l’Accord de retrait conclu en novembre 2018 entre l’ex-Première ministre Theresa May et Bruxelles.
Pour Boris Johnson, “le backstop est mort”. Il veut renégocier un accord de sortie sans cette disposition, ce que l’UE exclut. S’il échoue, il a affirmé que son pays quitterait l’UE le 31 octobre, accord ou pas.
Après avoir dit à plusieurs reprises qu’il attendait un geste de l’UE, le dirigeant conservateur a envoyé mercredi David Frost, un conseiller, réclamer “en personne” à Bruxelles “l’abolition” du backstop, selon un porte-parole. D’après une porte-parole de la Commission européenne, il va rencontrer les conseillers du président de la Commission Jean-Claude Juncker et du négociateur européen sur le Brexit Michel Barnier.
– Discorde sur le “backstop” –
Ce mécanisme de dernier recours, destiné justement à éviter le retour d’une frontière physique, crée un “territoire douanier unique” englobant l’UE et le Royaume-Uni, au sein duquel il n’y aurait aucun quota ni droits de douane pour les biens industriels et agricoles. L’Irlande du Nord resterait en outre alignée sur un nombre limité de règles du marché unique européen, par exemple les normes sanitaires pour les contrôles vétérinaires.
L’UE a refusé de lui fixer une date butoir mais le mécanisme n’est censé intervenir qu’en dernier recours et être temporaire, jusqu’à ce que les deux parties s’entendent sur une autre solution.
Cette clause est l’un des points de crispation majeurs de l’accord, en particulier pour le parti unioniste (pro-britannique) nord-irlandais DUP, allié indispensable des conservateurs au Parlement.
Le DUP refuse un traitement différent de l’Irlande du Nord par rapport au reste du Royaume-Uni, qui pourrait selon lui ouvrir la voie à une réunification de l’Irlande, son cauchemar.
Un espoir en revanche pour le parti républicain Sinn Féin, qui milite depuis des décennies pour une Irlande réunifiée: “Le Brexit a soulevé des questions fondamentales sur la pertinence et la durabilité de la partition de notre île”, a déclaré mercredi sa cheffe Mary Lou McDonald, sur la BBC.
Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a lui signifié mardi à Boris Johnson que le backstop était “nécessaire”, même si des “arrangements alternatifs” pourraient être envisagés à l’avenir, une fois leur efficacité démontrée.
Boris Johnson a assuré qu’il était possible de ne pas rétablir de frontière physique grâce à “toutes sortes de solutions technologiques”.
– Reprise des violences ? –
Le risque d’une résurgence des violences en Irlande du Nord plane aussi sur sa visite.
“La frontière a été le point de convergence de nombreuses violences pendant la période des Troubles” (1966-1998), déclarait en avril à l’AFP Gemma Clark, professeure d’histoire à l’université d’Exeter.
Les “Troubles” ont opposé républicains nationalistes (catholiques), partisans de la réunification de l’Irlande, et loyalistes unionistes (protestants), défenseurs du maintien dans la Couronne britannique. Ils ont fait quelque 3.500 morts avant de prendre fin avec l’accord du Vendredi saint de 1998.
En avril, le meurtre à Londonderry, une ville située sur la frontière, de la journaliste Lyra Mckee, a encore davantage alimenté ces craintes.
La visite de Boris Johnson à Belfast devait également être l’occasion de pousser à une solution politique pour la province dépourvue d’exécutif local depuis 2017.
“Le Premier ministre a dit à toutes les parties qu’il était déterminé à mener à bien ce processus et qu’il ferait tout ce qui en son pouvoir pour y parvenir”, a déclaré son porte-parole.
Avec sa visite en Irlande du Nord, il achève une tournée démarrée en Angleterre, avant l’Ecosse et le Pays de Galles, destinée à promouvoir l’union du pays.
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