
En République Démocratique du Congo (RDC), l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti au pouvoir, a lancé une vaste campagne en faveur de la révision de la Constitution. Le secrétaire général du parti, Augustin Kabuya, a fait appel à une mobilisation massive de la base militante pour soutenir cette initiative.
Le 11 octobre 2024, Augustin Kabuya a communiqué une circulaire aux instances du parti, les appelants à se préparer à une mission capitale : sensibiliser les militants à l’importance de réviser la Constitution de 2006. Celle-ci , adopté à une époque où l’UDPS boycottait le référendum, est jugée obsolète par le parti présidentiel.
Pour l’opposition, la révision constitutionnelle serait une stratégie visant à pérenniser le pouvoir en place. Elle met en avant l’article 220 de la Constitution, qui interdit toute modification du nombre et de la durée des mandats présidentiels, ainsi que d’autres principes fondamentaux comme l’indépendance de la justice et le pluralisme politique.
Kabuya ne s’est pas contenté de critiquer la durée du mandat. Il est allé plus loin en remettant en cause l’origine même de la Constitution, affirmant qu’elle aurait été « élaborée par des étrangers ». Cette déclaration vise à renforcer l’idée que le texte actuel ne correspond pas aux réalités congolaises, justifiant ainsi une refonte profonde.
Certes, la Constitution, texte organisant les rapports entre les gouvernants doit tenir en compte aussi de la nécessité de faire évoluer la règle juridique pour l’adapter à la réalité sociale. Ainsi, cette dimension sociale de la Constitution justifie l’intérêt de réviser certaines dispositions constitutionnelles dés lors que le constituant ne doit jamais vouloir assujettir à ses lois les générations futures.
La Constitution étant la loi suprême, il faut des bonnes raisons pour porter atteinte à son intangibilité, surtout qu’elle est le plus souvent la Charte des Droits et Libertés fondamentales. Aussi, une Constitution qui n’évolue pas est une Constitution morte et facile à enterrer . Ce qui revient à dire que la constitution est appelée à être modifiée au fil du temps pour l’adapter aux évolutions irréversibles que connaissent les Etats dans leurs parcours. D’autre part, la reconnaissance du droit de révision à tout vent de la Constitution peut de même donner lieu à une instabilité constitutionnelle néfaste à la bonne marche de l’Etat.
La révision est communément définie comme l’acte qui consiste à procéder à une modification d’une Constitution selon le régime que cette Constitution a elle-même prévu. On admet généralement que l’objectif poursuivi à travers la révision d’une Constitution est de l’améliorer sans aller jusqu’à sa transformation. Mais aujourd’hui, la tentative de révision constitutionnelle de l’UDPS, pousse à se demander si la révision constitutionnelle se limiterait à un simple perfectionnement du texte constitutionnel. La réponse est non!
Augustin Kabuya a dénoncé ce qu’il considère comme une inadéquation entre la durée officielle du mandat présidentiel et le temps réel de travail du Chef de l’État. Selon lui, bien que la Constitution fixe la durée d’un mandat à cinq ans, une bonne partie de cette période est consacrée à la formation du gouvernement, ce qui réduit considérablement le temps effectif de gestion à environ trois ans.
En effet, la tentative de révision constitutionnelle de l’UDPS, consiste à étendre hors des délais constitutionnels la durée des mandats électifs, grevant ainsi d’incertitudes la démocratie et l’alternance.
La tentative de révision constitutionnelle, telle prônée par l’UDPS, met en évidence un constat : consolider le pouvoir de Tshisekedi ou permettre d’imposer leurs idées et leur conception des principes qui doivent guider l’action du pouvoir. Une telle révision constitutionnelle se présente dés lors à la fois comme un processus et un résultat.
Ainsi la révision constitutionnelle engendrerait des vicissitudes de l’Etat de droit qui se manifesteraient notamment par le retour à l’autoritarisme, le recul dans la garantie des libertés fondamentales. Une telle révision constitutionnelle, en effet, annoncerait le réveil du présidentialisme autoritaire du Président Tshisekedi ou de l’UDPS.
La tentative de révision constitutionnelle de l’UDPS représente un danger pour le processus et la consolidation de la démocratie, autant plus que l’UDPS veut modifier la constitution pour s’assurer un avantage décisif dans l’accession ou le maintien aux commandes de l’Etat. Ce qui affecte inéluctablement, le principe de l’alternance politique.
Les bouleversements politiques de 2011-2018 sont déjà des signes révélateurs des difficultés que Tshisekedi et l’UDPS, éprouveraient à trouver une solution satisfaisante à la problématique de la gouvernance. A titre d’example, la constitution du 18 février 2006 a été révisée en 2011. Les élections présidentielles qui étaient prévues à deux tours précédées d’un débat entre les deux tours, ont été réduites à un seul tour. Et ceci était en rapport avec les élections présidentielles qui devaient avoir lieu la même année.
Les raisons et l’allure de tentative de révision constitutionnelle, telle prônée par l’UDPS, sont inquiétantes et les conditions pour assurer la stabilité de la Constitution sont loin d’être réunies. En effet, l’encadrement juridique de révision constitutionnelle n’est pas rigoureux et le juge constitutionnel Congolais n’est souvent d’aucun secours. Cette absence de rigueur se manifesterait du fait que la procédure de révision constitutionnelle serait non seulement une procédure instrumentalisée mais aussi le contrôle de procédure de révision constitutionnelle deviendrait un contrôle incertain.
La question qui se pose désormais est par quels procédés de modifications cette tentative de révision constitutionnelle serait possible? par voie référendaire et celle effectuée par le parlement en exercice? Cette dernière formule est la plus utilisée. La raison en est simple : la majorité présidentielle coïncidant avec la majorité parlementaire, le tour est vite joué, comme 2011 ou Togo 2024 et le Cameroun en 2008.
Est ce que le président Tshisekedi adhère à ces propositions de révision ou s’il s’agit d’une initiative isolée de son parti? En août dernier, Tshisekedi avait fermement nié toute intention de modifier la Constitution pour prolonger son mandat, déclarant que les dispositions concernant la durée du mandat présidentiel étaient immuables. Cependant, la relance de ce débat par un membre influent de son parti soulève des doutes quant aux véritables intentions du pouvoir en place à l’approche des élections.
Par Guylain Gustave Moke
Analyste Géo-Politique