
Le projet de révision de la Constitution de la RDC a officiellement reçu la bénédiction de Félix Tshisekedi. Le Président congolais a clairement exprimé son intention à ce sujet au cours d’un meeting qu’il a tenu, mercredi, à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo.
« Notre Constitution n’est pas adaptée. Elle a été rédigée par des étrangers, à l’étranger. Il est temps d’élaborer une Constitution qui reflète nos véritables besoins ». Tels sont les propos lâchés, mercredi, depuis Kisangani par le Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.
La révision est communément définie comme l’acte qui consiste à procéder à une modification d’une Constitution selon le régime que cette Constitution a elle-même prévu. On admet généralement que l’objectif poursuivi à travers la révision d’une Constitution est de l’améliorer sans aller jusqu’à sa transformation. Mais aujourd’hui, la tentative de révision constitutionnelle de Tshisekedi, pousse à se demander si la révision constitutionnelle se limiterait à un simple perfectionnement du texte constitutionnel.
Tous les changements constitutionnels intervenus en dehors des coups d’État, comme ce fût le cas avec Kabila 2011, ont pour motif principal une suppression du verrou de la limitation de mandats et l’élargissement des pouvoirs du président de la République. Des constitutions instrumentalisées au service d’un exécutif en quête d’un prolongement ou d’un élargissement de pouvoirs.
En dénonçant l’illégitimité de la Constitution sur laquelle il a prêté serment en 2018, comme une constitution rédigée par des étrangers à l’étranger, il remet en cause sa légitimité. Ainsi, la révision constitutionnelle de Tshisekedi, consisterait à étendre hors des délais constitutionnels la durée des mandats électifs, légitimiter son pouvoir aprés 6 ans, grevant ainsi d’incertitudes la démocratie et l’alternance.
L’article 220 de la Constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Une disposition non modifiable du fait de son intangibilité. La seule alternative pour briguer un mandat supplémentaire pour Tshisekedi serait le changement de constitution pour partir sur un nouveau mandat d’une nouvelle constitution.
Le projet de révision constitutionnelle de Tshisekedi peut parfaitement s’effectuer dans la droite ligne de la légalité la plus pure et se révéler illégitime. La légitimité doit être prise ici dans le sens de la conscience du moment.
Il semble bien que la dernière révision constitutionnelle en RDC soit perçue comme telle c’est-à-dire purement conjoncturelle, destinée à porter atteinte à l’alternance et surtout de nature à modifier l’équilibre politique. De tel procédé est constitutif de ce que la doctrine désigne par « la fraude à la Constitution ». Sur ce point, un risque supposé ou réel de retour à l’autoritarisme existe et cette révision apparait désormais comme illégitime.
Offrir la possibilité d’une alternance politique est un élément essentiel de la démocratie qui contribue à renforcer la légitimité de la Constitution et accroitre l’adhésion des citoyens au régime politique; ce que l’adoption d’une nouvelle Constitution n’offre pas dans les faits, car elle permet de maintenir après 6 ans ou plus au pouvoir le président Tshisekedi.
Le projet de révision de la Constitution sera finalement une source d’instabilité politique et institutionnelle. D’abord, il cristallisera le problème de la légitimité des institutions électorales qui est la source de la plupart des contestations électorales. Ensuite, il favorisera l’établissement d’un régime présidentiel fort et renforcera les pouvoirs de Tshisekedi.
Enfin, il empêchera la possibilité d’alternance politique sans même parler de la violation des procédures d’élaboration et d’adoption des lois fondamentales. L’instabilité institutionnelle conduira finalement à une instabilité politique dans un environnement de contestation récurrente de la légitimité du pouvoir politique, des institutions politiques et des organes de gestion des élections.
Le projet de révision de la Constitution favorise plutôt le recul démocratique et maintient l’assujettissement de l’organe de gestion des élections (CENI) et de la Cour Constitutionnelle. Il élargit les prérogatives du président de la République et n’apporte aucune garantie sur la liberté, l’indépendance et la transparence des institutions politiques bridant toute possibilité d’une alternance politique.
Par-delà le maintien au pouvoir de Tshisekedi, après deux mandats, et le caractère purement formel du pluralisme évoqué par les textes, le risque est la disparition de la pensée critique au sein des institutions et le conformisme dans une pensée unique ( celle de l’UDPS) privée de toute capacité évolutive.
Par Guylain Gustave Moke
Analyste- Géo-Politique Congolais