Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a entamé, mercredi 17 décembre, le retrait de ses troupes de la ville d’Uvira, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont affirmé des responsables du groupe et des sources locales.
Après s’être emparé des grandes villes congolaises de Goma en janvier puis de Bukavu en février, le M23 a lancé, début décembre, une nouvelle offensive dans la province du Sud-Kivu, le long de la frontière burundaise, alors que la RDC et le Rwanda signaient à Washington un accord de paix sous l’égide du président américain, Donald Trump.
Le 10 décembre, le groupe armé a pris le contrôle d’Uvira, ville stratégique de plusieurs centaines de milliers d’habitants qui permet de contrôler la frontière terrestre avec le Burundi, allié militaire de Kinshasa.
Cette offensive a suscité l’ire de Washington, qui a promis de répondre à une « claire violation » de l’accord de paix par le M23. Le groupe armé avait annoncé, mardi, qu’il se retirerait d’Uvira « unilatéralement », « comme l’a demandé la médiation américaine ». 
Mercredi, le porte-parole militaire du M23, Willy Ngoma, a annoncé que ses troupes, « depuis cet après-midi, ont commencé à quitter la ville d’Uvira », sans préciser leur destination.
Plusieurs sources locales et des responsables de la société civile ont confirmé, des mouvements de troupes du M23 hors de la ville en direction du nord, les rebelles empruntant en sens inverse la route de l’offensive menée début décembre. « A l’heure où je vous parle, il y a des mouvements de véhicules militaires du M23 qu’on voit quitter la ville en direction du nord, probablement vers Luvungi », a déclaré un habitant joint par téléphone.
Le mouvement rebelle demande « à la médiation et autres partenaires de veiller qu’Uvira soit protégée de la violence, des représailles et de la remilitarisation », a déclaré, mercredi, le chef de sa branche politique, Bertrand Bisimwa, dans un message sur le réseau X.
L’annonce du retrait du M23 a été qualifiée mercredi de « non-événement » par Kinshasa, qui réclame le retrait des troupes rwandaises de son territoire. Le Rwanda n’a jamais reconnu officiellement son soutien au M23, mais a été directement mis en cause par les Etats-Unis après l’offensive du M23 sur Uvira.
L’annonce du retrait ne concerne toutefois que la ville d’Uvira et ne s’étend pas aux autres zones conquises par l’AFC/M23 depuis le 10 décembre. Cette précision est loin d’être anodine : elle suggère que le mouvement entend conserver ses positions ailleurs dans l’est du pays, maintenant ainsi une pression militaire et politique sur le gouvernement congolais.
Par ailleurs, le groupe rebelle a averti qu’une réoccupation immédiate d’Uvira par les Forces armées de la RDC (FARDC) ou par les groupes d’autodéfense Wazalendo ne serait « pas tolérée ». Cette déclaration traduit une tentative de contrôler l’après-retrait et de peser sur l’architecture sécuritaire locale, en imposant de facto une zone tampon ou un statu quo sécuritaire sous supervision internationale ou régionale.
Sur le terrain, la situation demeure fragile. Uvira, ville stratégique du Sud-Kivu, a déjà été le théâtre de violences intercommunautaires et de confrontations armées par le passé. Le retrait annoncé du M23, s’il est effectivement mené à terme, pourrait réduire temporairement la pression militaire, mais il comporte aussi des risques élevés de vide sécuritaire, propice aux représailles, aux règlements de comptes et à la prolifération d’acteurs armés. 
L’appel du M23 à la protection de la population civile met en lumière la crainte d’exactions post-retrait, un scénario déjà observé dans d’autres zones de conflit à l’est de la RDC. La question centrale reste donc celle de la capacité de l’État congolais et de ses partenaires à assurer une sécurité neutre et crédible, sans provoquer une reprise immédiate des hostilités.
Cette évolution militaire s’inscrit dans un contexte marqué par une forte activité diplomatique internationale autour de a question de la guerre à l’est de la RDC. À Washington, le secrétaire d’État adjoint américain, Christopher Landau, a rencontré lundi la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, pour discuter de la dégradation de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC. Les États-Unis ont, à cette occasion, réaffirmé leur préoccupation face à l’avancée récente du M23, un groupe que Washington accuse d’être soutenu par les forces rwandaises.
L’ambassadrice des États-Unis en RDC, Lucy Tamlyn, a indiqué que les plus hautes autorités américaines avaient été saisies du dossier. Elle a souligné la volonté de Washington de poursuivre le dialogue avec toutes les parties prenantes et d’insister sur un retour au cadre de négociation, suggérant un appui renouvelé aux processus diplomatiques régionaux et internationaux.
Le retrait annoncé d’Uvira apparaît ainsi comme un geste à double lecture. D’un côté, il peut être interprété comme un signal d’ouverture destiné à apaiser les tensions et à répondre aux pressions diplomatiques. De l’autre, son caractère limité et conditionnel laisse penser à une manœuvre tactique, visant à consolider les gains ailleurs tout en améliorant l’image politique du mouvement sur la scène internationale.
Dans un conflit marqué par des cycles répétés d’avancées militaires, de retraits partiels et de négociations avortées, l’épisode d’Uvira constituera un test crucial. Il permettra d’évaluer non seulement la sincérité de l’engagement du M23 en faveur d’une désescalade, mais aussi la capacité des autorités congolaises et de leurs partenaires à transformer un retrait armé en opportunité réelle de stabilisation durable.
Par Guylain Gustave Moke