Méga-barrage Inga 3 en projet depuis des années ou centrales plus modestes et plus proches des usines du Katanga: la République démocratique du Congo cherche par tous les moyens à surmonter son déficit énergétique qui pénalise son industrie minière et l’empêche de vendre son cobalt au prix fort.
Pour 80 millions de Congolais, le manque d’électricité se traduit par des logements sans lumière ou des coupures fréquentes, même pour la minorité qui a les moyens de se raccorder au réseau de la Société nationale d’électricité (Snel, public).
Pour les entreprises étrangères du secteur (Glencore, des société chinoises, indiennes, sud-africaines…), réunies jusqu’à vendredi pour la “Semaine minière” de Lubumbashi (sud-est), le manque d’électricité empêche la transformation sur place des minerais bruts extraits en RDC, et donc la création de “valeur ajoutée” et d’emplois dont le pays et l’Afrique ont tant besoin.
Autre conséquence: la RDC, qui fournit les deux tiers de la demande mondiale de cobalt, n’exporte son précieux minerai que sous la forme de concentré (produits non finis) à 60%-70% du prix du marché. Un gros manque à gagner quand le cobalt flambe à la Bourse des métaux de Londres, dopé par la demande des fabricants de voitures électriques.
Ce déficit d’électricité frappe un pays qui dispose pourtant d’immenses ressources hydro-électriques avec son fleuve Congo parmi les plus puissants du monde: “Le potentiel de la RDC est estimé à 100.000 MW/an et le pays ne produit que 3.000 MW/an”, a souligné le ministère provincial des Mines du Haut-Katanga en ouverture de la “Semaine minière” de Lubumbashi.
A ce stade du constat – maintes fois ressassé – du pays potentiellement riche qui croupit dans la pauvreté, les conférenciers sont évidemment revenus sur le projet de méga-barrage Inga 3.
Depuis des décennies, Inga 3 doit théoriquement prendre le relais des barrages Inga 1 (1972) et Inga 2 (1982) installés sur les rapides du fleuve Congo dans la province du Kongo-central, vers l’océan Atlantique, loin des usines du Katanga, province dont les velléités d’indépendance ont fait peur à Kinshasa dans les années 1960-70.
Pour tenter de relancer Inga 3, supposé éclairer un jour tout le pays voire toute l’Afrique, le régime du président Joseph Kabila a choisi une société espagnole – propriété du président du Real Madrid, Florentino Perez -, et un consortium chinois, China Three Gorges.
Chargé de mission du chef de l’État Joseph Kabila, Bruno Kapandji est arrivé à Lubumbashi les bras chargés de bonnes nouvelles devant les industriels sceptiques: “Notre objectif est de démarrer (les travaux) d’Inga cette année. La construction va durer de cinq à sept ans, peut-être jusqu’à onze ans”.
“Les deux sociétés espagnoles et chinoises se sont mises d’accord pour créer un consortium unique. Elles ont confirmé la construction d’un barrage d’une capacité de 11.000 MW. Le coût de ce projet: 13,9 milliards de dollars. Nous sommes en train de préparer le contrat de collaboration exclusive qui va permettre d’aller chercher des financements. Nous allons mettre en place la société de projet, qui aura des capitaux privés et publics”, a poursuivi le représentant du chef de l’État.
“On entend beaucoup de bonnes nouvelles en année électorale”, a glissé un intervenant dans la salle, en référence aux élections prévues le 23 décembre qui doivent organiser le départ du président Kabila.
“Le Grand Inga risque d’arriver alors que les mines, qui ne sont pas éternelles, ne seront plus là”, a lancé un représentant de TFM, un des géants du secteur minier racheté en 2016 pour 2,6 milliards de dollars par le groupe chinois China Molybdenum à l’Américain Freport.
En attendant Inga 3 à l’autre bout de la RDC, des industriels plaident pour le développement de petites centrales hydroélectriques sur place au Katanga, ou de projets alternatifs (solaires, bio-masse…). Des projets concrets, portés par des développeurs indépendants, ont été présentés mercredi à Lubumbashi (Sombwe, Tembo Power…).
“Si nous ne faisons pas Inga, toutes les solutions intermédiaires de moyenne ou petite centrale ne résoudront pas le problème”, a martelé le représentant du chef de l’État, qui souligne que la Banque mondiale a “créé un désastre” en se retirant de ce dossier en 2016.
A l’époque, l’institution internationale avait déploré que les autorités de Kinshasa aient donné au projet “une orientation stratégique différente de celle qui avait été convenue en2014”.
Afrique Diplo