L’Union européenne cherche à apaiser les tensions avec la République démocratique du Congo (RDC) suite à la signature d’un accord controversé sur les minerais avec le Rwanda, en février dernier. Cet accord, qui vise à sécuriser l’approvisionnement en minerais critiques pour la transition verte de l’UE, a été critiqué par la RDC, qui craint qu’il ne légitime le commerce des minerais provenant de zones de conflit.
L’accord signé en février 2024 s’inscrit dans la stratégie européenne visant à diversifier ses sources d’approvisionnement en minerais critiques tout en respectant les droits humains et l’environnement.
Avec cet accord, le Rwanda, qui n’a pas de gisements importants de ces minéraux sur son territoire, joue un rôle central en tant que centre de transit et de traitement pour les minerais extraits dans les pays voisins, en particulier la RDC. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la situation de guerre qui serait maintenue pour favoriser le trafic de minerais au profit des multinationales occidentales. Face aux critiques, l’UE a pris des mesures pour apaiser la RDC et s’assurer que ses intérêts soient pris en compte.
L’ambassadeur de l’UE en RDC, Nicolas Berlanga Martinez, a reconnu que l’UE aurait dû « expliquer davantage » l’accord et faire preuve de « plus de sensibilité » vis-à -vis des préoccupations congolaises. Il a également souligné que la RDC, en tant que pays d’origine de la plupart des minerais concernés, devrait être le principal bénéficiaire d’une meilleure transparence dans le marché des minerais.
L’UE a réaffirmé son engagement à travailler en étroite collaboration avec la RDC pour améliorer la transparence et la traçabilité des minerais dans la région. L’Ambassadeur a rappelé qu’un accord de partenariat, signé fin octobre 2023 entre l’UE et la RDC, prévoyait l’élaboration d’une feuille de route dans les six mois pour définir des actions concrètes. L’ambassadeur Berlanga Martinez a déclaré qu’il attend « avec impatience la formation du nouveau gouvernement » congolais pour relancer la coopération sur ce dossier.
Le chef de l’Etat Congolais, Félix Tshisekedi, a critiqué jeudi (22.02.2022) ce protocole d’accord entre le Rwanda et l’Union européenne. Selon lui, ce protocole, “encourage le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda”.
“Quand vous achetez le produit d’un receleur, vous êtes vous-même coupable de vol”, a lancé Félix Tshisekedi lors d’une conférence de presse. “Donc, l’Union européenne, j’espère, ne va pas jouer ce jeu-là ”, a-t-il poursuivi, en affirmant que son pays allait “user de toutes les voies, diplomatiques et judiciaires, pour faire annuler ce ”MoU” (memorandum of understanding), pour “empêcher cette ignominie”.
Malgré les efforts de l’UE, les experts doutent cependant que l’accord avec le Rwanda soit suffisant pour garantir la transparence et la traçabilité des minerais, compte tenu des problèmes persistants de corruption et de gouvernance dans la région.
La Commission européenne se félicite du fait que, “une raffinerie d’or existe déjà (au Rwanda) et une raffinerie de tantale sera bientôt opérationnelle”. Or, les rapports successifs des experts de l’Onu sur la RDC rappellent que l’or traité dans cette raffinerie est en grande partie sorti illégalement de RDC.
Selon l’Office des mines du pays, en 2023, les recettes d’exportation de minéraux du Rwanda ont augmenté de 43% pour atteindre plus de 1,1 milliard de dollars. L’objectif du pays est de générer 1,5 milliard de dollars de recettes annuelles d’exportation de minerais en 2024.
Parmi les minéraux qui ont dopé les exportations, il y a notamment l’or, ou encore le coltan.
Quasiment 60% de ces exportations sont dirigées vers les Emirats arabes unis ou la Chine. L’Union européenne a donc du retard à rattraper et c’est ce qui pourrait inciter Bruxelles à être moins regardant sur la démocratie : “grâce à l’Etat de droit et à un environnement favorable aux investissements, le Rwanda a la capacité de devenir une plaque tournante dans le domaine de la création de valeur ajoutée dans le secteur des minerais”, précise la Commission européenne.
Le timing est mal choisi pour signer un accord minier. Les tensions diplomatiques entre Kigali et Kinshasa, qui accuse son voisin de soutenir les rebelles du M23 dans l’est de son territoire, ce qui lui permettrait de piller les ressources minières dans la province du Nord-Kivu. L’Union européenne recense sans cesse les violations graves des droits de l’Homme au Rwanda. La même UE passe des accords avec le gouvernement rwandais. Cela nous montre l’hypocrisie totale de l’UE.
L’est de la RDC, riche en ressources minières, où les affrontements entre l’armée et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon les Nations unies, ont provoqué la fuite de centaines de milliers de déplacés et l’encerclement de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu, une ville de deux millions d’habitants.
Par Guylain Gustave Moke
Analyste Géopolitique