A une semaine des élections, les difficultés pratiques d’organisation, la méfiance des opposants envers l’ensemble du processus et les combats dans l’est font monter la tension en République démocratique du Congo.
Le 20 décembre, près de 44 millions d’électeurs, sur un total d’une centaine de millions d’habitants, sont appelés à élire leur président, mais aussi leurs députés nationaux et provinciaux et leurs conseillers communaux. Un vrai défi dans un pays de 2,3 millions de km2 largement dépourvu d’infrastructures. Plus de 100.000 candidats sont dans les rangs pour les quatre scrutins, selon la Commission électorale (Céni), dont 22 pour la présidentielle.
Ils étaient 26 au début de la campagne officielle, le 19 novembre, dont le président sortant Félix Tshisekedi, 60 ans, candidat à un second mandat de cinq ans. Mais quatre candidats de l’opposition se sont désistés au profit du riche homme d’affaires et ancien gouverneur de la province minière du Katanga (sud-est) Moïse Katumbi, 58 ans, qui enchaîne les meetings à travers le pays.
L’opposition n’en demeure pas moins divisée et, même si tout peut arriver jusqu’au jour J, une candidature unique paraît impossible. L’élection se jouant en un seul tour, la plupart des postulants étaient d’accord pour juger une telle candidature nécessaire pour se donner toutes les chances face au président sortant. Mais peu sont prêts à s’effacer au profit d’un autre.
Parmi les autres opposants encore en compétition figurent le Dr Denis Mukwege, 68 ans, prix Nobel de la paix pour son action en faveur des femmes violées, et Martin Fayulu, 67 ans, candidat malheureux à la présidentielle de 2018.
En l’absence de sondages fiables, les pronostics sont hasardeux, d’autant plus que les opposants, tout en participant aux élections – à l’exception notable du camp de l’ancien président Joseph Kabila (2001-2018), qui les boycotte – craignent que les résultats annoncés ne reflètent pas la vérité des urnes, en dépit des assurances de “transparence” de la Céni. Tous appellent les électeurs à la “vigilance”.
Ils ont successivement dénoncé la composition de la Céni et de la Cour constitutionnelle, accusant le pouvoir d’y avoir placé ses hommes, puis réclamé, en vain, un nouvel audit du fichier électoral. “Ils considèrent que le fichier a été tripatouillé, il y a très peu de confiance dans le processus”, note pour l’AFP le politologue Alain de Georges Shukrani.
L’annonce fin novembre de l’annulation d’une mission d’observation de l’Union européenne, qui n’a pas eu l’autorisation de déployer ses moyens de transmission satellitaires et est finalement réduite à la portion congrue, ajoute à la suspicion.
Selon le politologue, les élections vont aussi s’organiser “dans un climat délétère du fait de la situation militaire dans l’est”. Théâtre depuis trois décennies de violences armées, la région connaît un pic de tension depuis deux ans, avec la résurgence du M23, une rébellion soutenue par le Rwanda qui occupe une partie de la province du Nord-Kivu.
Ce conflit aggrave le clivage traditionnel entre l’ouest et l’est de l’immense pays. “Il y a dégradation de la cohésion nationale, une montée du tribalisme, des discours de haine et de division”, estime M. Shukrani.
Les violences ont été jusqu’à présent relativement contenues durant la campagne, hormis un mort lors d’affrontements entre partisans de l’opposition et du pouvoir, et six morts dans une bousculade en marge d’un meeting de Félix Tshisekedi. Mais “les problèmes politiques et techniques n’augurent pas de bonnes choses”, dit-il.
Du point de vue technique, la Céni est engagée dans une course contre la montre pour déployer les machines électroniques, bulletins et autre matériel fabriqué en Asie, dont le dernier lot est arrivé ce week-end. Sans compter des milliers de cartes d’électeurs à refaire parce qu’elles se sont effacées.
Un vent de panique a soufflé la semaine dernière, tardivement donc, quand un courrier de la Céni réclamant au gouvernement quatre avions Antonov et dix hélicoptères pour acheminer le matériel de vote a fuité sur les réseaux sociaux.
Interrogé ensuite sur la radio Top Congo, le président de la Céni, Denis Kadima, s’est encore une fois voulu rassurant quant à la tenue des élections le 20 décembre. “Je reste optimiste”, a-t-il dit.
AFP