Comme de nombreuses communautés dans le sud du Nigeria, les habitants d’Okpare dépendent des eaux du delta pour pêcher et cultiver mais l’environnement est dévasté par les pillages de pétrole et par la lutte menée par l’armée pour les empêcher.
Le sud-est du Nigeria regorge de pétrole et de gaz, et le pays est le premier producteur du continent africain (1,8 million de barils chaque jour).
Le pétrole est le pilier de l’économie nigériane, représentant environ 70% du revenu global du gouvernement et près de 90% des recettes d’exportation.
Mais la région du Delta est toujours gangrénée par l’immense pauvreté et des groupes armés -et souvent très puissants- pillent le pétrole brut des pipelines, employant les populations locales dans des raffineries illégales.
– “Raffineurs de brousse” –
En perçant les canalisations, les “raffineurs de brousse” endommagent terriblement l’environnement, mais les opérations militaires aggravent également les dégâts.
“La vie aquatique dans nos rivières a été détruite et nos fermes ont été ravagées par le feu suite à la combustion de pétrole brut volé par l’armée”, raconte Gabriel Ekoh, un habitant d’Okpare.
En 2015, le gouvernement nigérian estimait que l’équivalent de 250.000 barils de brut était volé chaque jour: une manne gigantesque qui disparait ensuite dans les méandres du marché noir et un grand manque à gagner pour l’Etat et les compagnies pétrolières.
En mai dernier, un commandant en charge des opérations dans le Delta du Niger, Kelvin Aligbe, a donné une idée de l’ampleur du désastre: depuis 2016 ses troupes ont détruit plus de 1.400 raffineries illégales, et des milliers de réservoirs en métal, plastiques et une dizaine de milliers de jerrycans.
Dans les criques du Delta, les cultures se font rares sur les sols noircis par le pétrole, les rares poissons qui ont survécus nagent sous des tâches irisées, la mangrove est morte et l’eau des nappes phréatiques n’est plus potable depuis bien longtemps.
– Pluies acides –
Selon l’ONU, l’opération de nettoyage du Delta, si jamais elle était menée, serait la plus vaste dans l’histoire de l’humanité, et devrait durer près de 30 ans.
Les soldats, débordés par l’ampleur du phénomène, n’aident pas à cette situation dantesque en déversant des barils de carburant raffiné illégalement dans les ruisseaux ou en brûlant des raffineries de brousse.
Dans la grande mégalopole de Port Harcourt, au cœur de la région pétrolière, les pluies acides et la suie noire tombent du ciel.
Les niveaux de PM2,5, les particules plus fines provenant des fumées noires, rivalisent et dépassent les taux des villes les polluées au monde telles que New Delhi ou Pékin.
Sheriff Mulade, du Centre pour la paix et la justice environnementale basé dans la capitale de l’Etat du Delta, Warri, estime que des raffineries illégales sont détruites tous les jours aux abords de la ville.
“Tant qu’il y aura des raffineries illégales, les forces de sécurité continueront à les détruire et à déverser leur contenu dans la rivière”, explique-t-il.
M. Mulade reconnaît les efforts déployés par les militaires nigérians, mais selon lui, il existe “manière et manière de gérer les installations de brousse lorsqu’elles sont découvertes et saisies”.
“Les émissions de gaz sont très dangereuses et la durée de vie des habitants de ces zones a été réduite à cause de cela”, se lamente-t-il.
Nnimmo Bassey, un ancien responsable des Amis de la Terre, que les tactiques militaires contre les voleurs de pétrole exacerbent le problème.
“Ces actes s’ajoutent à la dégradation environnementale de la région à un moment où tous les efforts devraient être concentrer pour nettoyer six décennies de pollution débridée”, regrette-t-il.
Afrique Diplo