La France est de plus en plus isolée s’agissant de l’utilisation de l’option militaire au Niger. La CEDEAO et même l’Union Européenne voient tout sauf une intervention militaire pour sortir de la crise.
Alors qu’une intervention militaire au Niger, pour rétablir l’ordre constitutionnel, était brandie, la CEDEAO met la pédale douce. Le Président du Nigeria, Bola Tinubu, a suggéré une transition de neuf mois au Niger. Une situation qui s’était déjà présentée au Nigeria, dans les années 1990. La sortie du dirigeant nigérian, également à la tête de la CEDEAO, a eu lieu hier, 31 août 2023.
« Le Président ne voit pas de raison que cela ne puisse pas se reproduire au Niger, si les autorités militaires au Niger sont sincères ». C’est ce qu’a rapporté un communiqué de la CEDEAO. Bola Tinubu a rappelé que le Nigeria avait renoué avec un gouvernement civil, en 1999, après neuf mois de transition. Laquelle a été instituée par le général Abdulsalami Abubakar. Ce dernier avait hérité d’un pouvoir militaire à la mort du général Sani Abacha.
Au lendemain du coup d’Etat contre le Président Mohamed Bazoum, la CEDEAO s’était radicalisée, soutenue par la France. L’option militaire était alors agitée, et la menace se faisait pressante. La force en attente a été activée et n’attendait que les instructions des chefs d’Etat de la CEDEAO pour intervenir. La pression de la France était perceptible. Cette même pression, Paris l’a exercée sur l’union Européenne. Mais la Lybie reste un cas école.
Ce qui contraint l’Union Européenne à plus de prudence sur la position à adopter au Sahel. Réunis en Espagne, jeudi 31 août, les ministres des Affaires étrangères de l’UE s’accordent sur la création d’un régime de sanctions contre la junte au pouvoir au Niger. Seulement, la perspective d’une intervention militaire est pour l’instant totalement écartée. Ce qui isole la France.
« Le coup d’Etat au Niger marque une nouvelle ère d’instabilité dans la région du Sahel. Et les ministres des affaires étrangères ont été très clairs : il faut donner priorité à la voie diplomatique pour rétablir l’ordre constitutionnel. Ils ont également réaffirmé leur volonté de trouver une solution africaine à une situation africaine, d’où notre soutien à la CEDEAO », a indiqué Josep Borrell, Haut représentant de l’Union Européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.
Présent en Espagne, le président de commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, a été on ne peut plus clair. Avec le ministre des Affaires étrangères du gouvernement déchu au Niger, Hassoumi Massoudou, ils ont rappelé que « le seul cadre de gestion de cette crise est celui de la CEDEAO ». Alexander Schallenberg, chef de la diplomatie autrichienne recadre indirectement la France. « Il ne faut pas que l’Europe soit perçue comme imposant sa solution de l’extérieur ».
Pour autant, Paris ne lâche pas prise et compte certainement sur un faux-pas de la junte nigérienne pour trouver un prétexte d’intervenir au Niger. Car, à ce stade, rien ne justifie que Macron insiste pour que l’Ambassadeur français à Niamey reste à son poste. La France n’a-t-elle pas accepté que la junte malienne expulse l’Ambassadeur français à Bamako et même Barkhane ? Comment justifier que Paris prétexte ne pas reconnaître une décision des nouvelles autorités nigériennes.
Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, avait proposé, un plan de sortie de crise au Niger. La proposition se résume en une transition de six mois.
Depuis le début de la crise nigérienne, l’Algérie a clairement affiché son opposition à l’intervention militaire envisagée par la CEDEAO. Reprenant une position défendue par son Président, depuis le 6 août, Ahmed Attaf a insisté sur les « effets catastrophiques » de l’emploi de la force. Pour lui, un tel choix porte le risque de « pousser des milliers de Nigériens sur la voie de la migration ». Pis, il pourrait faire de la sous-région « un incubateur supplémentaire pour le terrorisme et le crime organisé ».
Dans la droite ligne de la position de son pays, Ahmed Attaf avait conduit, la semaine dernière, une mission au Nigeria, au Bénin et au Ghana. L’objectif de cette mission était d’exhorter ses homologues à opter pour une solution pacifique. Le Président Abdelmadjid Tebboune avait, pour sa part, discuté au téléphone avec ses homologues béninois et nigérian.
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