Adieu l’avenue du Général-de-Gaulle et la place de la Francophonie : le régime militaire au pouvoir au Niger a débaptisé mardi 15 octobre plusieurs endroits historiques de la capitale, Niamey, portant jusqu’ici des noms évoquant la France, ancienne puissance coloniale, à laquelle ils ont tourné le dos. Au pas de charge, sur fond de musique militaire, plusieurs cadres de la junte ont arpenté les artères de la ville pour célébrer les nouveaux noms.
« La plupart de nos avenues, boulevards, rues (…) portent des noms qui rappellent tout simplement les souffrances et les brimades subies par notre peuple par l’épreuve de la colonisation », a dénoncé le colonel major Amadou Abdramane, ministre de la jeunesse et porte-parole du régime.
« Cette avenue qui portait le nom du général Charles de Gaulle est désormais baptisée avenue Djibo-Bakary », a-t-il lancé, lors d’une cérémonie. Figure politique nigérienne, Djibo Bakary (1922-1998) a été un partisan de l’indépendance obtenue en 1960.
Quelques centaines de mètres plus loin, le monument consacré aux morts des deux guerres mondiales devient Bubandey Batama (« A nos morts », en langue djerma), qui rend désormais « hommage à toutes les victimes civiles et militaires de la colonisation à nos jours ». Le régime nigérien franchit ainsi une nouvelle étape dans la rupture avec la France, entamée depuis le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir le 26 juillet 2023.
Les militaires français engagés dans la lutte antidjihadiste ont été chassés, l’ambassadeur, expulsé, et le centre culturel franco-nigérien a cessé de fonctionner en tant qu’établissement binational, étant renommé Moustapha-Alassane, du nom d’un cinéaste nigérien. Le régime, qui fait de sa souveraineté un pilier de sa politique, accuse fréquemment Paris de vouloir le déstabiliser.
Mardi, à Niamey, un monument a même été totalement refait : le portrait du commandant et explorateur français Parfait-Louis Monteil, gravé depuis des décennies dans un monument en pierre, a été remplacé par une plaque à l’effigie de Thomas Sankara. L’ancien président du Burkina Faso, voisin, tué dans un coup d’Etat en 1987, est une figure du panafricanisme, dont le colonel Amadou a salué mardi la « lutte de libération » et « d’émancipation des peuples », qui « continue encore d’inspirer les populations ».
Enfin, la place de la Francophonie a été renommée place de l’Alliance-des-Etats-du-Sahel (AES), une confédération créée en 2023 avec le Mali et le Burkina Faso, deux voisins également dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par des putschs et qui ont tourné le dos à la France.
Les trois pays ont été suspendus par les instances de la francophonie après les coups d’Etat. Désormais, « nous allons faire honneur à nos ancêtres », a assuré le général Assoumane Abdou Harouna, gouverneur de Niamey et figure du régime.
Adourahamane Oumarou, président de la branche Niger de l’ONG Urgence panafricaniste, se réjouissait mardi de cette initiative : « Ça n’a pas de sens que nos rues continuent de porter les noms d’anciens colons (…), et donc c’est justice qui est en train d’être rendue en rebaptisant ces rues, en mettant des noms des héros de notre pays. »
Cette ONG est dirigée au niveau international par le militant béninois Kemi Seba, connu pour ses prises de position virulentes envers la France. Ce dernier, récemment déchu de la nationalité française et qui dispose d’un passeport diplomatique nigérien en tant que conseiller spécial du chef du régime, Abdourahamane Tiani, a été arrêté lundi à Paris. Le motif de son interpellation n’a pas encore été révélé.
En juin 2023, peu avant le coup d’Etat qui a renversé le président élu, Mohamed Bazoum, le Niger avait adopté un nouvel hymne national intitulé Pour l’honneur de la patrie, en référence notamment aux luttes anticoloniales. Il remplaçait La Nigérienne, dont les paroles avaient été écrites par le compositeur français Maurice Albert Thiriet en 1961, un an après l’indépendance du pays.
AFP