
En Namibie, des centaines de manifestants ont investi le parlement le 21 septembre, alors que l’Assemblée nationale devait voter sur une offre d’indemnisation un milliard d’euros (1,3 milliard de dollars) de l’Allemagne pour réparer son génocide de 1904-1908 contre les peuples Herero et Nama.
Environ 400 manifestants menés par l’opposition et des chefs traditionnels des communautés affectées ont défilé dans la capitale Windhoek avant d’escalader une clôture pour entrer dans le bâtiment du parlement, arguant que la somme était trop faible et objectant qu’ils n’étaient pas impliqués dans les négociations avec l’Allemagne.
Les protestataires brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: « Dites non au faux accord de génocide »; « Le sang de nos ancêtres n’a pas été vain », ou encore « Une réparation appropriée maintenant », rapporte The Press Free.
« Le soi-disant accord est un mépris flagrant de nos demandes légitimes de réparation et de restitution », indique une pétition remise au vice-président du parlement, Loide Kasingo.
« L’accord échoue (…) sur des excuses et des réparations significatives (…) (et) ne contient aucune justice et ne fait qu’aiguiser notre douleur », a déclaré Kavemuii Murangi, un descendant de l’une des victimes, dans un communiqué cité par Reuters.
« Nous considérons cela comme une insulte. Dans ce processus, le rôle attribué au gouvernement namibien se limitait à celui de facilitateur, or nous avons été exclus de l’accord. », a déclaré Nandiuasora Mazeingo, président de la Fondation du génocide d’Ovahereron.
– »L’avis du gouvernement »-
Le ministre de la Défense Frans Kapofi a lu devant l’Assemblée nationale une déclaration décrivant l’accord comme « une réussite, dans une certaine mesure, pour que la République fédérale d’Allemagne accepte la responsabilité » du génocide.
« En fonction des négociations entre les parties, une amélioration des modalités des réparations, notamment sur le quantum, n’est pas exclue », a affirmé M. Kapofi, signalant que les autorités de Windhoek avait exprimé leurs préoccupations concernant le montant des réparations promises par Berlin.
– »Exigences des victimes du génocide »-
« [1,3 milliard de dollars,] voilà tout ce qu’ils offrent pour avoir liquidé 80 % de mon peuple et 50 % des Nama. Ils ont pillé notre pays et leurs descendants sont toujours installés sur nos terres. », se froisse Nandiuasora Mazeingo, tout en notant que ce montant correspondait au budget annuel du département de l’éducation de la Namibie, rappelle Equal Times
De plus, M. Mazeingo pense que les Nama et les Ovaherero devraient pouvoir dépenser l’argent comme ils l’entendent.
La somme sera versée sur 30 ans, selon des sources proches des négociations et doit avant tout bénéficier aux descendants des Herero et des Nama.
Sans donner de détails, Berlin a indiqué que les fonds seraient affectés à des projets liés à la réforme agraire, aux infrastructures rurales, à l’approvisionnement en eau et à la formation. Les communautés concernées seront impliquées et bénéficieront de ces projets.
Les représentants Nama et Ovaherero ont juré de continuer à s’opposer à l’accord.
L’Association des Chefs Traditionnels Nama et la Fondation du Génocide contre les Ovaherero ont fait remarquer que les communautés Ovaherero et Nama qui ont fui le génocide au Botswana et en Afrique du Sud ne sont pas couvertes par l’accord, à en croire Equal Times. « La Namibie a trahi l’Afrique en omettant de demander des comptes à une ancienne puissance coloniale génocidaire européenne », ont-ils affirmé dans une déclaration commune, cité par Equal Times.
Ils devraient préparent une pétition demande que les réparations promises par Berlin soient versées directement aux descendants des victimes du génocide plutôt qu’au gouvernement namibien. De plus, l’Allemagne devra accepte l’entière responsabilité des massacres et le libellé « accord de réparation » remplace « accord de réconciliation », mentionne Equal Times
L’un de ses dirigeants, Gerson Katjirua, explique qu’une faction pro-gouvernementale des Herero et Nama a provisoirement accepté l’offre de l’Allemagne.
– »Reconnaissance du génocide par Berlin »-
Windhoek a annoncé le 28 mai que l’Allemagne avait accepté de financer des projets d’un milliard d’euros (1,3 milliard de dollars) sur 30 ans en Namibie, pour compenser les meurtres et les saisies de biens dans son ex colonie d’Afrique du Sud-Ouest d’il y a plus d’un siècle.
Le gouvernement avait précédemment reconnu la « responsabilité morale » des meurtres, mais il avait évité de présenter des excuses officielles pour éviter les demandes d’indemnisation. Puis, le 28 mai, l’Allemagne s’était excusée pour son rôle dans le massacre des tribus Herero et Nama et a officiellement qualifié pour la première fois le massacre de génocide.
– »Des milliers de victimes du génocide »-
L’Allemagne a gouverné la Namibie de 1884 jusqu’à ce qu’elle perde la colonie pendant la Première Guerre mondiale.
En 1904, les tensions explosent lorsque les Herero – privés de leur bétail et de leurs terres – se soulèvent, suivis peu après par les Nama.
Le général allemand Lothar von Trotha, envoyé pour mater la rébellion, ordonna l’extermination de ces peuples.
Les forces coloniales allemandes ont tué des milliers de Herero et Nama entre 1904 et 1908, dans ce qui était alors une colonie nommée Afrique du Sud-Ouest allemande.
Les survivants ont été conduits dans le désert, où beaucoup se sont retrouvés dans des camps de concentration pour être utilisés comme esclaves, certains mourant de froid, de malnutrition et d’épuisement. Personne ne sait exactement combien d’Ovaherero et de Nama sont morts entre 1904 et 1908. Selon les estimations, environ 80 % des Ovaherero auraient péri, et les Nama, quant à eux, auraient perdu la moitié de leur population.
Les historiens affirment que jusqu’à 65 000 des 80 000 Hereros et au moins 10 000 des 20 000 Nama ont été tués pendant ce génocide.
Les soldats coloniaux ont procédé à des exécutions massives ; hommes, femmes et enfants exilés dans le désert où des milliers de personnes sont mortes de soif. Ils ont aussi établi des camps de concentration infâmes, comme celui de Shark Island.
En 2015, l’Allemagne a entamé des négociations formelles avec la Namibie sur la question et en 2018, elle a restitué des crânes et d’autres restes de tribus massacrés qui ont été utilisés dans les expériences de l’ère coloniale pour appuyer des revendications de supériorité raciale européenne.
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