La décision de Donald Trump de ne pas reconnaître que l’Iran applique l’accord nucléaire de 2015 devrait singulièrement compliquer les relations au Conseil de sécurité de l’ONU sur différents dossiers, de la Corée du Nord à la Syrie.
“L’accord est mort”, tranche un diplomate sous anonymat. Selon lui, le renvoi de la balle par le président américain à son Congrès fragilise trop ce document de plusieurs dizaines de pages détaillées, validé par une résolution de l’ONU, pour lui faire tenir la route sur la durée.
Conclu après une dizaine d’années d’âpres discussions, il vise à encadrer les activités nucléaires iraniennes pour empêcher Téhéran d’acquérir l’arme atomique. L’accord international est contrôlé par l’agence onusienne chargée du nucléaire (AIEA) qui assure que Téhéran tient ses engagements, contrairement aux affirmations de Donald Trump.
Signataires, Paris, Berlin et Londres ont réaffirmé unanimement leur volonté d’appliquer l’accord. Plus virulente, la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a contredit le président américain en assurant qu’il n’avait pas le pouvoir d’y mettre fin seul et “à tout moment”, comme il l’a affirmé.
La Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, qui a présidé les longues négociations ayant permis d’aboutir à ce compromis historique en juillet 2015, a pour sa part défendu “un accord robuste” assorti “d’un mécanisme de surveillance solide garantissant que le programme nucléaire iranien est et reste uniquement à visée civile”.
A l’occasion de leur réunion mensuelle à Luxembourg, les diplomates en chef des 28 pays de l’UE vont également adopter de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, une riposte promise quelques jours après son nouvel essai d’une bombe atomique début septembre.
Mais “l’urgence” aux yeux des 28 est de défendre unanimement l’accord sur le programme nucléaire iranien, même si les Européens partagent les griefs américains à l’encontre de Téhéran sur son programme de missiles balistiques et ses activités déstabilisatrices au Moyen-Orient, singulièrement en Syrie, selon un diplomate s’exprimant sous couvert d’anonymat
Cet accord “extrêmement clair” entre Téhéran et les grandes puissances (Etats-Unis, Allemagne, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France) est “le meilleur que l’on a pu avoir”, insiste un autre diplomate à Bruxelles.
“Cet accord est nécessaire, important, il permet d’éviter que l’Iran devienne une puissance nucléaire”, ajoute-t-il.
L’UE s’inquiète par ailleurs pour les entreprises européennes qui ont, certes timidement, commencé à revenir en Iran après la levée des sanctions internationales liée à l’accord. Si le Congrès américain réimposait ses sanctions dans les 60 jours à venir, celles-ci risqueraient à coup sûr des poursuites outre-Atlantique.
Après les décisions de quitter l’Accord de Paris sur le climat et l’Unesco, ces propos illustrent un fossé qui se creuse entre Washington et ses plus proches alliés européens, incapables d’inverser la décision américaine sur l’Iran malgré de multiples échanges depuis plus d’un mois.
Cette décision va sévèrement compliquer la diplomatie au Conseil de sécurité sur de multiples sujets. Trump s’est montré méprisant à l’égard de ses principaux alliés au Conseil, le Royaume-Uni et la France, en ignorant leurs vues sur l’Iran. A l’ONU, la Chine et la Russie vont essayer de souligner l’isolement des Etats-Unis.
Tout cela arrange bien les Russes et les Chinois qui s’engouffrent dans le vide laissé par les Américains.
– Dossier nord-coréen –
Les divisions sur l’Iran pourraient rendre difficiles les discussions sur d’autres crises à l’agenda de l’ONU, comme la Syrie ou l’Ukraine. Comment croire à l’avenir les “promesses diplomatiques” des Etats-Unis ? Très peu de diplomates gardent leur confiance en Washington.
Les dossiers sont séparés, ont chacun leurs difficultés propres, et les Etats-Unis sont difficiles en négociation sur tous les dossiers. Beaucoup de dossiers au Conseil passent au-dessous du radar de la Maison Blanche. En reconnaissant que cela risque d’être plus compliqué pour ceux auxquels s’intéressera la présidence américaine.
Jusqu’à présent, la représentante américaine à l’ONU, Nikki Haley, bénéficie d’un fort crédit auprès de ses homologues du Conseil de sécurité. Elle a un rôle très exceptionnel, une influence interne considérable. Elle prend ses ordres directement à la Maison Blanche, quand elle les prend.
Sur l’Iran, celle qui a rang de ministre dans l’administration américaine s’est distinguée de ses collègues à la Défense ou au Département d’Etat. Le chef du Pentagone, Jim Mattis, s’est prononcé pour garder l’accord alors que Nikki Haley embrassait la position de Donald Trump.
Selon une source diplomatique, c’est d’elle qu’est venue l’idée de non-certification de l’accord nucléaire iranien sans le “déchirer” comme le voulait initialement le président américain. Mais sur le fond, “elle ne connaît pas” le sujet du nucléaire iranien. Les arguments pragmatiques n’ont aucun poids face à une décision idéologique.
Dans le dossier nord-coréen, Nikki Haley a réussi cet été à convaincre Chinois et Russes de s’associer à deux nouveaux trains de sanctions internationales contre Pyongyang. Le premier lui avait valu un mois de négociations, le deuxième avait été bouclé en une semaine.
Qu’en sera-t-il des futures discussions sur cette crise ?
Si jamais c’était le cas, Pyongyang devrait encore moins avoir envie d’une négociation sérieuse avec les Etats-Unis, et voit maintenant que Trump est prêt à renier des engagements nucléaires. Cela va être encore plus difficile de persuader Pékin et Moscou d’approuver de nouvelles sanctions au Conseil de sécurité sur la Corée du Nord.
Nikki Haley a rejeté dimanche cet argumentaire, estimant sur la chaîne ABC que la remise en question de l’accord avec l’Iran “envoie un message parfait” à la Corée du Nord. Pyongyang doit savoir, a-t-elle dit, que “nous n’allons pas nous engager dans un mauvais accord”.
Par Pierre Pignot