Détenu depuis la fin de mars, Etienne Fakaba Sissoko est poursuivi notamment pour « atteinte au crédit de l’Etat » après la publication d’un livre critiquant la communication gouvernementale.
La justice malienne a maintenu en détention, lundi 14 octobre, un universitaire et militant politique connu, auteur d’un livre critiquant la communication de la junte au pouvoir. Etienne Fakaba Sissoko, l’une des rares voix critiques à encore tenter de se faire entendre au Mali, est détenu depuis la fin de mars et a été condamné en mai, en première instance, à deux ans de prison, dont un ferme.
Poursuivi pour « atteinte au crédit de l’Etat », « injures » et « diffusion de fausses nouvelles perturbant la paix publique », M. Sissoko avait déposé une demande de remise en liberté. La cour d’appel de Bamako a jugé lundi sa requête recevable et ordonné sa libération provisoire en attendant son procès en appel, le 11 novembre. Mais cette décision a été immédiatement suspendue à la suite d’un pourvoi introduit par le parquet général.
A l’audience du 7 octobre, le représentant du parquet général s’était opposé à sa libération, invoquant la gravité des faits et le trouble à l’ordre public. M. Sissoko, chercheur et professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de Bamako, avait quant à lui évoqué des conditions de détention affectant sa santé (il est diabétique), la nécessité de s’occuper de sa famille et d’être présent devant ses étudiants à la reprise des cours.
M. Sissoko est incarcéré à la prison de Kéniéroba, à plusieurs dizaines de kilomètres au sud de Bamako. Il fait partie des personnalités inquiétées pour leurs opinions critiques sous les colonels qui ont pris par la force, en 2020, la tête de ce pays confronté au djihadisme et à une crise politique profonde.
M. Sissoko est mis en cause pour la publication, en 2023, d’un livre intitulé Propagande, agitation, harcèlement : la communication gouvernementale pendant la transition au Mali. La « transition » est la période durant laquelle les militaires disent vouloir stabiliser le pays avant de rendre le pouvoir à des civils élus. Cette rétrocession est renvoyée à une date inconnue. Une « communication gouvernementale hyperagressive », caractérisée par des « contenus aux caractères douteux » et des méthodes « basées sur la propagande, l’agitation, la manipulation et même le mensonge », a permis « une forte adhésion de la population », dit la fiche de lecture du livre publiée sur son site par l’éditeur, L’Harmattan.
M. Sissoko, ancien conseiller d’Ibrahim Boubacar Keïta, le président renversé par les colonels, et ancien analyste de la Mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali (Minusma) poussée vers la sortie, avait déjà été écroué plusieurs mois en 2022 pour d’autres motifs.
AFP