Vingt candidats à la présidentielle sont en compétition pour diriger le pays d’environ 5 millions d’habitants, dont le sortant George Weah.
Cecelia Johnson a voté à cinq élections présidentielles au Liberia. Elle a vécu deux terribles guerres civiles, mais elle affirme que ces dernières années ont été parmi les plus dures sur le plan économique.
Lorsque cette commerçante de 65 ans se rendra aux urnes pour les élections présidentielle et législatives le 10 octobre, elle votera, comme de nombreux Libériens interrogés par l’AFP, pour de meilleures conditions de vie et de meilleures infrastructures.
Beaucoup s’inquiètent également d’éventuelles violences électorales dans ce pays d’Afrique de l’ouest, qui a subi deux guerres civiles consécutives entre 1989 et 2003 ayant fait plus de 250.000 morts.
Et le défilé par des supporters du président sortant d’un cercueil portant la photographie d’un candidat de l’opposition dans les rues de Monrovia lors d’un événement de campagne samedi n’a pas calmé les inquiétudes.
L’ancienne star du foot a été élue en 2017 sur les promesses de combattre la pauvreté et la corruption. Six ans plus tard, ces deux sujets restent clés pour les Libériens, alors que la campagne électorale a commencé samedi et qu’1,3 million de personnes – plus d’un cinquième de la population – vivent avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la Banque mondiale.
La corruption est aussi endémique au Liberia, pays qui occupe la 142e place sur 180 dans le classement de l’Ong Transparency international pour 2022. Le président Weah est sous la pression du grand allié américain sur ce sujet.
“Pas d’emploi”
Washington a sanctionné cinq hauts responsables libériens pour corruption présumée en trois ans. Fin avril, l’ambassadeur américain a sévèrement critiqué les parlementaires les accusant de “plumer leur propre nid”, de ne pas consacrer suffisamment de fonds à la santé et à l’éducation et de laisser les populations rurales dans la pauvreté.
“Nous voulons voir de bons aménagements dans notre pays, et nous avons besoin de plus d’emplois”, estime Cecelia Johnson depuis le marché où elle vend de la vaisselle en plastique.
“Qu’importe celui qui remporte la présidentielle, notre vÅ“u est qu’il aide la vie des pauvres et améliore l’état des routes dans les zones rurales”, dit-elle.
Pour Abraham Kollie, conducteur de moto et étudiant, la création d’emplois doit être la priorité du prochain président dans ce pays où 63% de la population a moins de 25 ans, selon l’ONU.
“La plupart d’entre nous, les jeunes, deviennent conducteurs de moto-taxis après les études parce qu’il n’y a pas d’emplois”, déplore-t-il. “Quand les élections arrivent, les hommes politiques nous promettent toutes ces (choses) et ils ne les font pas”.
Les électeurs s’inquiètent aussi de potentielles violences électorales.
Selon Alexander Commanbine, 42 ans, les politiciens manipulent les jeunes et les incitent à la violence en période d’élections. Il craint des incidents.
Paix fragile
“Les gens devraient créer des groupes de paix au niveau communautaire et parler aux jeunes de la paix”, estime-t-il.
La semaine prochaine, le Liberia commémorera le 20e anniversaire de l’Accord de paix d’Accra, qui a mis fin à 14 ans de guerre civile.
La société civile et les défenseurs des droits ont appelé tous les candidats à ne pas semer la division.
“Ils doivent expliquer leur programme et indiquer exactement ce qu’ils ont l’intention de faire… pour éviter la violence et l’intimidation”, a déclaré Augustine Tamba du Liberia Elections Observation Network, un groupe de coordination d’organisations de la société civile.
Vingt-six partis ont signé un engagement pour une campagne pacifique en avril. Mais samedi, dès le premier jour de la campagne, des partisans du parti au pouvoir, le Congress for Democratic Change (CDC), ont été vus en train de porter un cercueil avec des photos de l’ancien vice-président Joseph Boakai, l’un des favoris du scrutin.
Lawrence Yealue, qui dirige le groupe de la société civile Accountability Lab Liberia, s’est dit préoccupé par ce type d’incident si tôt dans la campagne.
“Si l’on n’y prend garde (…) ces campagnes pourraient être marquées par des poches de violence à travers le pays, et cette violence pourrait être une menace potentielle pour notre paix déjà fragile”, a-t-il dit.
AFP