Le président kényan Uhuru Kenyatta a promulgué mercredi une loi sur la cybercriminalité destinée à prévenir la propagation des “fake news” (fausses nouvelles), et le harcèlement en ligne, mais dont certaines dispositions remettent en cause pour ses critiques la liberté de la presse.
La loi impose de strictes amendes et peines de prison pour piratage informatique, fraudes sur ordinateur, falsification de données, cyber-espionnage, pédopornographie ou tout envoi en ligne de contenu pornographique.
Mais des blogueurs et défenseurs de la liberté de la presse ont exprimé leur inquiétude au sujet d’un article de la loi, qui prévoit une amende de 50.000 dollars (42.000 euros) et/ou deux ans de prison pour la publication de “données fausses, trompeuses ou fictives”.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait la semaine dernière appelé le président Kenyatta à ne pas promulguer cette loi, en arguant qu’elle permettait trop facilement aux autorités de faire taire les journalistes qui leur déplaisent.
“Les législateurs kényans ont adopté une vaste loi qui rendra punissable la liberté d’expression. Les journalistes et blogueurs en seront probablement les premières victimes, si elle est promulguée”, avait déclaré Angela Quintal, la coordinatrice Afrique de l’organisation basée à New York.
La loi prévoit également que toute personne reconnue coupable d’avoir diffusé de fausses informations “destinées à créer, ou ayant pour résultat, la panique, le chaos ou la violence”, ou qui “risquent de porter atteinte à la réputation d’une personne”, puisse écoper d’une amende de 50.000 dollars ou d’une peine de prison de 10 ans.
Selon Article 19, une organisation de défense de la liberté de la presse basée à Londres, dans une analyse de la loi publiée en avril, celle-ci comporte d’importantes dispositions nouvelles, inspirées des standards internationaux.
Cependant, elle “contient (aussi) plusieurs infractions définies de manière large, avec des peines sévères, qui pourraient radicalement affecter la liberté d’expression en ligne au Kenya”.
Les activistes dénoncent un environnement de plus en plus hostile pour les journalistes au Kenya depuis la dernière campagne électorale et la réélection en octobre 2017 de M. Kenyatta.
“Même si les tensions politiques ont baissé, la capacité des journalistes à informer et commenter librement continue à être remise en cause par les agents de l’État”, avait estimé au début du mois Human Rights Watch.
En janvier, les trois principales chaînes de télévision privées du pays avaient été suspendues pendant une semaine pour avoir tenté de couvrir l’investiture symbolique du chef de l’opposition, Raila Odinga.
Puis fin mars, huit chroniqueurs de premier plan travaillant pour le plus grand groupe de presse au Kenya, le Nation media group (NMG), avaient démissionné en dénonçant l’ingérence du gouvernement et le manque d’indépendance de leur employeur.
Afrique Diplo