
On avait pourtant annoncé faire les choses en grand. En septembre 2017, lors de l'obtention, sans surprise, des Jeux olympiques (JO) d'été, les organisateurs de Paris 2024 avaient présenté de grandes ambitions: des Jeux sobres, à l'équilibre budgétaire, peu coûteux, avec une neutralité carbone garantie, inclusifs et populaires.
Dès le départ, lors des projections datant de 2019, le budget prévisionnel était annoncé à 6,8 milliards d'euros, soit près de deux fois moins que pour les JO de Londres en 2012, et à des années-lumière des budgets de ceux de Pékin en 2008 et de Rio en 2016, respectivement de 32 et 33 milliards d'euros.
Pour assurer cette promesse, les organisateurs ont confié à la Cour des comptes un droit de regard et de surveillance absolu sur la compétition, afin de veiller à une absence de dépassement budgétaire abusif et à une sobriété comptable. Eh bien, malgré cela, le budget a bel et bien été dépassé, pour le moment d'environ 2 milliards d'euros. Aujourd'hui, entre le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) et la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), le coût total s'affiche à 8,8 milliards d'euros.
Et cela pourrait continuer à croître. En novembre dernier, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a publié un rapport s'inquiétant de l'incapacité du Cojop à boucler un budget alors estimé à 3,98 milliards d'euros. «Le coût des prochains Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 pourrait croître de manière significative, compte tenu en particulier de la hausse de l'inflation», estimaient alors les sénateurs Laurent Lafon et Jean-Jacques Lozach.
Depuis, le budget du comité d'organisation a subi une hausse de 10%, soit 400 millions d'euros, liée pour moitié à l'inflation (196 millions d'euros). De 3,98 milliards d'euros, le budget du Cojop a ainsi été établi à 4,38 milliards d'euros.
Inflation, transports et sécurité comme facteurs de hausse
Sauf que l'inflation n'arrive pas seule. En plus de la hausse artificielle des prix et donc des coûts d'organisation et de construction, la Cour des comptes a pointé la sécurité et les transports, les deux points noirs de Paris 2024, qui doivent selon elle «faire l'objet d'une vigilance particulière».
Dans son dernier rapport publié en janvier dernier, l'organisme présidé par Pierre Moscovici recommande au Cojop de finaliser, au 1er semestre 2023, «le plan global de sécurité des Jeux, pour stabiliser les besoins de sécurité privée dont le déficit des moyens est probable et pour planifier l'emploi des forces de sécurité intérieure», ainsi que «les plans de transport site par site et d'engager leur déclinaison opérationnelle, notamment la gestion des flux et l'information des usagers».
En 2017, dans le dossier prévisionnel, 250 millions d'euros avaient été budgétisés au titre de la sécurité. À titre de comparaison, la sécurité des JO de Londres 2012, essentiellement tenue par des sociétés privées, avait coûté 1,16 milliard d'euros. La Cour des comptes demande à ce que ce volet soit au moins doublé pour Paris 2024.
De plus, pour faire face aux défis exigés par l'envergure d'une telle compétition, notamment avec la cérémonie d'ouverture prévue le long de la Seine et pour l'heure devant 600.000 personnes, il pourra être envisagé de faire appel à des sociétés privées de sécurité, donc coûteuses, ou à l'armée, qui n'est pourtant pas formée pour ce genre d'événement.
Concernant les transports, même inquiétude. Tous les signaux sont au rouge. Alors que le métro parisien ne cesse d'être critiqué par les usagers pour ses retards et défauts d'exploitation quasi quotidiens, la société Île-de-France Mobilités, chargée d'organiser les transports, s'inquiète d'un éclatement en 2024, avec un afflux potentiel de plus de 3 millions de personnes supplémentaires. Sa présidente, Valérie Pécresse, estime qu'il manque 800 millions d'euros pour boucler le budget et s'assurer de la réussite de l'organisation.
L'État paiera
On en est là. Et la facture risque encore d'augmenter si on laisse couler l'inflation ou si on se tourne vers des sociétés de sécurité privées. En comparant avec Londres, atteindre 1 milliard d'euros pour la sécurité n'apparaîtrait absolument pas impossible, encore plus après les déboires de la finale de la Ligue des champions en mai 2022 au Stade de France. Pour y faire face, deux solutions: l'apport public, garanti par contrat olympique signé entre le Comité international olympique (CIO) et le Parlement, et l'outil tarifaire.
Dans le premier cas, le Parlement a voté, lors du projet de loi de finances 2022, une garantie de 3 milliards d'euros au Cojop. Ainsi, le comité d'organisation pourra venir piocher dans les caisses de l'État en fonction de ses besoins. Certes, à travers cet élément, aucune levée d'impôt ne sera prévue, puisqu'un dépassement de 3 milliards d'euros a été budgétisé. Mais c'est autant d'argent qui a été retiré à d'autres strates d'investissement public, en attente d'utilisation.
Les prix des billets augmentent pour payer les Jeux
Enfin, et cela a été l'un des sujets polémiques récents, il reste l'outil tarifaire. Le budget du Cojop est constitué à la fois par l'apport du CIO, à hauteur de 1,219 milliard d'euros, par les recettes issues des droits TV, par les partenaires et les revenus commerciaux, par la billetterie et le marketing. Concernant les deux premiers, tout a déjà été négocié et rien ne pourra bouger. Restent alors les deux derniers.
Sauf que les fonds privés ont été ralentis, notamment à cause des difficultés pour Paris 2024 à attirer des partenaires à la réputation en adéquation avec leur volonté de sobriété environnementale et écologique. Total, par exemple, a été gentiment écarté, jugé incompatible avec l'ambition écoresponsable des JO de Paris.
En conséquence, il ne restait comme levier budgétaire que les recettes de la billetterie. Et c'est ce qui a été fait. Le prix des places a éclaté, avec des montants pouvant atteindre 90 euros pour des repêchages d'aviron, plus de 200 euros pour les meilleures places des qualifications de la gymnastique rythmique et jusqu'à 690 euros lors des sessions d'athlétisme. Certains fans se sont plaint des prix exorbitants de l'événement, après un obscur tirage au sort. Une nouvelle critique s'ajoutant aux précédentes.
La liste commence à s'allonger dangereusement et pourrait porter un coup fatal à ce qui devait être une fête historique et populaire. Les Jeux arrivent dans 500 jours et on commence doucement à douter de leur succès. Espérons que les choses changent et qu'on pourra pleinement en profiter. Cela faisait cent ans que la ville de Paris attendait cet événement, il ne faudrait pas que cela accouche d'une souris.
Par Pierre Rondeau — Édité par